• Plus de 90 % ignorent tout de leurs droits Le travail informel dit également, le marché parallèle affecte la sphère économique en Tunisie. En l'absence de statistiques officielles, les professionnels estiment que le phénomène touche 30 % de l'économie nationale, si ce n'est pas plus. En effet, ce secteur anarchique n'a cessé de fleurir, surtout lors des deux dernières années ce qui fragilise davantage notre l'économie ainsi que les droits des travailleurs qui y exercent cette activité. Malheureusement, le phénomène gagne du terrain -aussi bien dans les zones urbaines que dans les zones rurales, et ce à cause « de la pauvreté et la paupérisation d'un grand nombre de Tunisiens qui souffrent du chômage et du manque d'opportunités de travail ». Un constat, certes inquiétant. Mais il s'agit d'une réalité négligée par les autorités au pouvoir, d'où la mobilisation de la société civile laquelle tente de mieux comprendre le phénomène et de prêter main forte à cette population vulnérable. Dans ce cadre, l'Association Tunisienne de Gestion et de la Stabilité Sociale a lancé un projet pour promouvoir les conditions du travail dans le secteur informel. Objectif : assister les travailleurs et créer un cadre juridique et économique plus inclusif pour les acteurs dans le domaine. Pour ce faire et afin de mieux comprendre le phénomène, l'association a mené une enquête dans les gouvernorats de Tunis, Kef, Kasserine, Gafsa, Sfax et Médenine. Réalisée sur un échantillon de 1203 interviewés, l'enquête a démontré que « les salariés informels sont la population la plus vulnérable du secteur informel et gagnent moins que les indépendants et les employeurs ». Pratiquement « 78 % des employés informels gagnent moins de 200 dinars par mois », dévoile l'enquête, ce qui enracine davantage la pauvreté et la fragilisation de cette frange de la société. D'ailleurs, presque la moitié des travailleurs informels touchés par l'enquête précisent qu'ils font partie d'un ménage à un seul revenu. Zones urbaines Autre constat alarmant, c'est l'appauvrissement des zones urbaines. En effet, plus de la moitié, soit 67,8 % de ceux qui exercent ce métier, vivent dans des zones urbaines contre 32,2%, seulement dans des zones rurales. Et là où le bât blesse, est que le problème n'épargne personne. Il touche aussi bien ceux qui n'ont pas poursuivi des études avancées que ceux diplômés du supérieur. D'ailleurs, ils sont de l'ordre de 11,3 % à avoir pratiquer cette activité informelle. Victime de chômage, de marginalisation, d'absence d'encadrement, et surtout de l'absence d'un modèle de développement clair et d'une stratégie étudiée pour l'emploi de la part des autorités, plusieurs tunisiens se sont trouvés dans l'obligation d'opter pour ce choix. En fait, « le choix de travailler dans l'informel est expliqué généralement par le besoin d'argent », précise l'enquête. Ce n'est pas tout. Presque la moitié des interviewés déclarent qu'ils sont obligés de pratiquer ce métier parce qu'ils ont des difficultés à « accéder à un meilleur travail », ce qui enracine de plus en plus ce phénomène aux conséquences lourdes aussi bien sur l'économie que sur les travailleurs eux-mêmes.
Droits perdus « Le travailleur perd ainsi ses droits matériels et moraux dont les soins, la sécurité sociale et tout ce que comportent les contrats de travail comme mesures permettant de garantir ses droits fondamentaux à accéder à un salaire respectable, de protection contre les accidents du travail, les vacances annuelles et la garantie du droit à la retraite », déclarent les activistes de l'association. « En l'absence de ces droits, l'individu appartient à un système social aléatoire qui n'obéit à aucune règle légale au sein de la société ». Chiffres à l'appui : « 80 % de l'échantillon étudié ignorent complètement les régimes de couverture sociale, contre une minorité qui connaît les procédures et les étapes pour avoir la couverture sociale ». Ce n'est pas tout, puisque 90 % des interviewés « ne savent pas comment formaliser leur situation et n'ont aucune connaissance sur le SMIG, le SMAG, les contrats de travail et le droit du travail ». En plus de l'impact sur les individus, le secteur informel se facture très cher sur l'économie nationale. « L'emploi informel affecte le système économique général du pays, affaiblit et éparpille les institutions économiques en l'absence de contrôle sur les revenus générés par ce type d'emploi en raison de l'impossibilité de les exploiter de manière ordonnée », affirme l'Association Tunisienne de Gestion et de la Stabilité Sociale. « Le travail dans le secteur informel provoque également un état de chaos général en favorisant l'installation de vendeurs ambulants, les transactions illégales et les difficultés sécuritaires importantes en plus des risques sanitaires provoqués par certaines activités commerciales non réglementées », toujours d'après l'association qui a lancé son projet pour venir en aide à cette frange de la société. Mais parviendra- t-elle à le concrétiser dans un contexte caractérisé par les tiraillements politiques et surtout la négligence des responsables au pouvoir, très occupés par leurs agendas et intérêts politiques ?