• La Tunisie perd quatre positions à l'échelle mondiale, la Mauritanie est plus affranchie que nous Le palmarès mondial de la liberté de la presse vient d'être présenté dans le classement annuel de Reporters Sans Frontières (RSF). La Tunisie n'y occupe pas une bonne position. Au contraire, elle a perdu de « ses performances » pour se retrouver mal logée dans la 138ème position. Après avoir gagné trente places en 2011, juste après la chute du régime dictateur, la Tunisie recule dans ce classement tant attendu par les professionnels et les défenseurs de la liberté d'expression. Elle a régressé de quatre rangs pour dégringoler à la dernière position au niveau de la région du Maghreb Arabe. La liberté de la presse est beaucoup mieux en Mauritanie (67ème), en Algérie (125ème), en Libye (131ème) et au Maroc qui a gagné cette année deux places pour se situer 136ème à l'échelle mondiale. Considérée comme l'un des principaux baromètres de la démocratie et du respect des droits humains, surtout en cette phase transitoire, la liberté de la presse n'a pas connu un sort glorieux en Tunisie, deux ans après la Révolution. Procès et condamnation de journalistes, agressions verbale et physique des professionnels, des peines de prison par contumace, comparutions devant les juges d'instruction à cause de la publication d'informations, menaces de mort…En fait, les journalistes tunisiens n'arrivent pas à exercer leur métier librement deux ans après la fuite du dictateur. Ce constat tant nié par le gouvernement provisoire lequel ne cesse de pointer du doigt les journalistes et les professionnels du secteur a été confirmé dans le rapport annuel de RSF sur la liberté de la presse. Rendu public, hier, le rapport précise que « deux ans après la chute de Ben Ali, la Tunisie perd quatre places, alors qu'elle avait nettement progressé en 2011 (+30 places) ». Mais pourquoi ? Comment s'explique cette chute alors que tous les observateurs ne cessent de dire que la liberté d'expression est pratiquement le seul acquis que les Tunisiens aient réussi à réaliser après la Révolution ? En fait, cela est dû entre autres « aux agressions des journalistes qui se sont multipliées au cours du premier trimestre de 2012 », confirment Reporters Sans Frontières. Et les décrets lois 115-116 ? Ce n'est pas tout. Il existe d'autres facteurs qui ont fait que notre pays a perdu son classement. Il s'agit notamment, du vide juridique et de la non application des décrets lois 115-116. Durant deux ans « les autorités ont entretenu le vide juridique en retardant la mise en application des décrets-lois régissant les médias », critique RSF dans leur rapport. « Pratique qui a rendu possibles des nominations arbitraires à la tête des organes publics », ajoute la même source. Par ailleurs, Reporters Sans Frontières attire l'attention sur les attaques et les campagnes de dénigrement dont font l'objet les journalistes en Tunisie. Ces pratiques ayant pour objectif de museler la presse et d'intimider les professionnels sont devenues, à un certain moment, monnaie courante. RSF n'hésite pas à cet effet, à souligner que le discours tenu par des hommes de politique envers les médias et les professionnels de l'information est le plus souvent méprisant, voire haineux. D'ailleurs, il s'agit de l'un des facteurs utilisés pour classer les pays en la matière. Outre le degré des violences commises à l'encontre des journalistes sur la période donnée, il existe d'autres questions qui sont utilisées pour mesurer le niveau de la liberté de la presse dans le monde. Elles sont rattachées à six grandes thématiques à savoir : le pluralisme, l'indépendance des médias, l'environnement et l'autocensure, le cadre légal, la transparence et l'infrastructure. Dès lors, le classement ne se veut pas une accusation à l'encontre d'un pays ou un autre. Il s'agit plutôt « d'une photographie de la situation à une période déterminée. Il tient compte des événements survenus entre le début du mois de décembre et la fin du mois de novembre 2012 », selon le rapport lequel « ne prend pas en compte l'ensemble des violations des droits de l'Homme, mais uniquement les atteintes à la liberté d'informer ». Longtemps rejeté par l'ancien régime, le rapport sur la liberté de la presse sera-t-il pris en considération par le gouvernement provisoire pour rétablir la position de notre pays à l'échelle mondiale ? Le gouvernement sera-t-il à même d'accepter les règles de la démocratie pour instaurer les bases d'une presse libre, indépendance vis-à-vis de toutes appartenances politiques?