• Réduction de 5% des dépenses de l'Etat • Gel des augmentations salariales pour 2014 • « Il faut que l'austérité soit intelligente et ciblée. Le train d'austérité doit partir du Bardo, la Kasbah et Carthage avant même de débarquer chez le citoyen » », explique Moez Lâabidi, Professeur universitaire. A-t-on vraiment besoin de ces mesures d'austérité dictées par le gouvernement ? Qui va supporter cette austérité et quel serait finalement le prix à payer. En évoquant le sujet, innombrables furent les questions à poser. Nombreuses sont les réponses à trouver, également. « L'austérité n'est pas la bonne solution. A priori, ce sont les citoyens qui vont la supporter », c'est une vérité absolue affirmée par plusieurs experts en économie. Certains, critiquent les mesures d'austérité proposées par la loi de finances 2014, tandis que d'autres experts affirment que l'austérité est inévitable. Moez Lâabidi, professeur universitaire et spécialiste en économie, rebondit dans ce sens. Il explique, tout d'abord, qu'il y a une certaine défaillance au niveau de la gestion des choix économiques ainsi qu'au niveau des dépenses de l'Etat. Pour lui, l'austérité est inévitable. « Elle n'est pas un choix. C'est une obligation », explique-t-il. Pour lui, les arguments ne manquent pas. En fait, avec un déficit courant qui frôle 5,4% pour les 8 premier mois (il pourra atteindre 8% fin 2013), la régression des réserves en devises qui avoisinent les 100 jours d'importation, le déficit budgétaire qui dépasse 7%, le gouvernement se trouve obligé à recourir aux mesures d'austérité. Moez Lâabidi, rappelle dans ce cadre que les dépenses de l'Etat ont connu une augmentation sans précédent. Les dépenses de gestion ont atteint environ 10 milliards de dinars. Les dépenses allouées aux subventions se sont presque trois fois multipliées par rapport à 2010, pour atteindre 5,932 milliards de dinar contre 1,5 milliards de dinars trois années auparavant. Et c'est dans ce contexte qu'Elyes Fakhfakh, ministre de finances, a annoncé que le gouvernement va adopter une politique d'austérité pour réduire de 5% les dépenses de l'Etat. Trois raisons ! Le recours à l'austérité se justifie également par d'autres raisons. Moez Lâabidi, évoque les raisons liées aux urgences des réformes exigées par les bailleurs des fonds, pour permettre à la Tunisie l'accès aux financements externes. C'est dire que ces bailleurs des fonds (Banque Mondiale, Banque Africaine de Développement et surtout le Fonds monétaire International) conditionnent leurs aides financières par des réformes qui touchent l'allègement des subventions principalement des hydrocarbures. La Tunisie devrait ainsi engager des réformes dans ce sens pour pouvoir profiter des financements extérieurs. Notre interlocuteur évoque une deuxième raison qui concerne la lutte contre l'inflation. La réduction de l'inflation est une condition pour le succès des mesures d'austérité, pour préserver le pouvoir d'achat des citoyens. Moez Lâabidi va plus loin en affirmant qu'il faut sortir au plus vite de l'impasse politique que le pays connait depuis quelques mois. Il estime que la politique d'austérité sérieuse coûte très cher « électoralement ». Il faut ainsi avoir un gouvernement solide pour la pratiquer. Un gouvernement qui évite le populisme. « Raison pour laquelle, il nous faut un consensus solide qui dépasse les acteurs politiques pour toucher la classe économique », dit-il, tout en précisant qu'une trêve salariale est utile à condition qu'elle soit précédée par la baisse de l'inflation. Plus encore, Moez Lâabidi parle du gouvernement qui se trouve face un embarras des choix. « Si on refuse l'austérité au niveau des dépenses de gestion, on serait obligé de supporter l'austérité au niveau des dépenses de développement », explique-t-il. Il précise encore que l'austérité budgétaire risquerait d'étouffer la croissance et elle pourrait également toucher à la consommation interne une fois l'inflation n'est pas ramenée à des taux raisonnables. Une austérité intelligente ! Pour préserver le pouvoir d'achat des citoyens et pour que l'austérité n'affecte pas la croissance économique du pays, il faut appliquer une austérité intelligente. C'est-à-dire ? « Il faut appliquer une austérité ciblée », répond Moez Lâabidi. Il évoque dans ce sens l'exemple de la sur-taxation des voitures de luxe ainsi que les biens de deuxième nécessité. « Il faut répartir le coût de l'austérité d'une façon équitable. Le train d'austérité doit partir du Bardo, la Kasbah et Carthage avant même de débarquer chez le citoyen », conclu-t-il. Histoire de dire, que les élus de la nation, les ministres et le Président de la République devraient être les premiers à supporter les coûts de l'austérité. Ils devraient ainsi donner l'exemple. Difficile d'y croire !