Une des principales remarques avancées par plusieurs observateurs concerne la tentative de la Troïka de s'approprier l'administration tunisienne. La réussite des prochains rendez-vous électoraux suppose, entre autres, la neutralité de l'administration, du moins en ce qui concerne les ministères qui ont un rapport crucial et direct avec l'opération électorale. L'Observatoire ILEF de protection des consommateurs, dirigé par Abdejlil Dhahri, vient de rendre publiques des données sur les nominations au sein de l'administration tunisienne. L'Observatoire a recensé 4650 nominations dans des postes fonctionnels au sein de l'administration tunisienne effectuées par le gouvernement actuel. L'étude qu'il a menée montre que 45,7% de ces nominations ne respectent pas les critères légaux concernant ces postes de responsabilité. La même étude précise que 1800 fonctionnaires ont été démis de leurs fonctions. 95% de ces mises à l'écart ont eu lieu de façon abusive et illégale. 23% de ces victimes, surtout ceux qui exerçaient au ministère de l'Intérieur, dans la justice, la douane et les prisons, ont engagé un recours au Tribunal administratif pour recouvrer leurs droits. Toutefois, 12 décisions du Tribunal administratif n'ont été appliquées et les bénéficiaires de ces jugements n'ont pas, encore, réintégré leurs postes de travail. Pour les observateurs, il s'agit là d'une atteinte aux droits de l'Homme. Par ailleurs, dans tous les ministères, à l'exception du ministère de la Défense, 978 chargés de mission, n'appartenant pas à l'administration, ont été nommés de façon illégale. Le corps des Gouverneurs a connu un grand mouvement de nominations. A l'exception de deux gouverneurs, nommés sous le gouvernement de Béji Caïd Essebsi, tous les autres ont été démis de leurs fonctions et remplacés par de nouveaux gouverneurs dont la majorité sont réputés pour leur allégeance au premier parti au pouvoir. La sympathie qu'éprouvent certains gouverneurs pour Ennahdha, ne peut qu'alimenter et conforter les inquiétudes qui hantent les dirigeants des partis d'opposition quant à un scrutin exempt de toute suspicion. Un gouverneur peut décider d'accorder une salle ou non à un parti politique. Lorsqu'il appartient à un parti donné, ce gouverneur ne pourrait rester neutre. Une campagne électorale ne peut être organisée dans ces conditions. D'ailleurs l'Amicale des Gouverneurs a appelé, elle aussi à la neutralité des institutions de l'Etat. Elle affirme dans un communiqué rendu public dernièrement, qu'elle s'en tient à la neutralité des institutions sensibles de l'Etat telles que l'armée, la sûreté, la magistrature, la douane et l'administration publique. Elle souligne, aussi, la nécessité d'assurer la protection de ces institutions pour jeter les bases d'un Etat démocratique. L'Amicale des gouverneurs exhorte les protagonistes politiques à parvenir rapidement à un accord permettant de parachever la phase de transition dans les meilleures conditions et d'aller de l'avant sur la voie de l'édification démocratique après l'organisation d'élections libres et transparentes dans les plus brefs délais. Au niveau des délégués, 95% des nominations appartiennent aux partis de la Troïka. 2520 Omda ont été recrutés durant la même période dont 70% connus pour leur allégeance à Ennahdha. Parmi les Omdas désignés par le précédent gouvernement, 1350 ont été démis de leurs fonctions. L'étude de l'Observatoire ILEF a attiré l'attention sur les dangers de destruction de l'administration et sa soumission aux considérations idéologiques. Par ailleurs, de nouvelles maladies sont apparues chez de larges franges de fonctionnaires résultant de leur frustration et sentiment d'injustice consécutif aux recrutements effectués dans la fonction publique sur la base de l'appartenance partisane et l'allégeance politique. Les vicissitudes et craintes quant à la transparence des prochaines élections deviennent établies et réelles, au vu de ces désignations. Des élections transparentes nécessitent une administration neutre qui traite avec toutes les parties sur un pied d'égalité, en gardant la même distance vis-à-vis de tous les partis.