Les effets de l'argent sur la politique, ont constitué toujours le point névralgique qui a préoccupé aussi bien les gouvernants que les gouvernées et ce, depuis la nuit des temps et quelque fut le régime de l'Etat, et le degré de maturité politique des gouvernés. Dans les régimes démocratiques, l'argent de l'Etat est considéré comme étant celui des citoyens. Cependant, ce sont les cupides parmi ces derniers, qui dénaturent cet argent destiné à être utilisé dans l'intérêt général, et le détournent à des fins personnelles. C'est à partir de là que commence la corruption qui est d'autant plus encouragée, qu'elle trouve échos chez les gouvernants avides de pouvoir et de profits. Sous l'ancien régime en Tunisie, la corruption était de mise, et a pu proliférer à mesure que les hommes au pouvoir en faisaient un usage courant, et incitaient leurs agents à agir de même, et pouvaient par là même exercer une pression sur eux, et les acculer à se comporter selon leurs directives et leur bon vouloir, et ce que ce soit dans le domaine de la Justice, ou dans celui des finances. D'ailleurs ces deux domaines interfèrent car le juge est celui qui procède à sanctionner toute attitude suspecte d'un agent public. Après la Révolution, le problème de la corruption reste posé avec la même acuité. L'Assemblée Constituante a tenu une séance plénière pour discuter de la lutte contre la corruption. La première condition pour combattre la corruption, consiste à promouvoir la transparence. Celle-ci devait être respectée à l'occasion des élections du 23 octobre 2011. Un consensus d'immoralité Devant la caducité du code électoral élaboré sous Ben Ali, tous les partis qui se présentaient aux élections, n'étaient donc liés par aucune règle de conduite, devant une situation de non droit. Ce qui a donné l'occasion à l'usage de plusieurs moyens , contraire aux règles de la transparence et de l'égalité des chances pour attirer et gagner le plus de voix possibles. Parmi ces moyens, la distribution abusive de l'argent de l'Etat, provenant des subventions, a été la plus remarquée et la plus déplorée. C'est autour de ce thème qu'un colloque a été organisé hier par l'Observatoire pour l'indépendance de la Justice (OTIM) , et auquel ont pris part plusieurs intervenants dont Mouheb Karoui représentant de l'association « I Watch », et Moëz Bouraoui de l'association tunisienne pour l'intégrité de la démocratie,« ATIDE ». Ces deux associations oeuvrant à consolider la transparence et l'intégrité de la démocratie, se sont intéressées aux élections de 2011, et ont relevé des lacunes flagrantes qui augurent de l'absence de transparence et surtout des multiples corruptions entachant lesdites élections. Décret-loi 35 de l'année 2011 et absence de sanctions pour les contrevenants L'association « ATIDE » a appelé l'attention des autorités sur la distribution suspecte de l'argent provenant des subventions, lors des dernières élections de 2011, en envoyant une note à la banque centrale, restée toutefois lettre morte. En vertu du décret-loi 35 de l'année 2011 relatif aux élections des membres de l'ANC, des règles concernant le financement des campagnes électorales ont été mises au point notamment sur les modalités relatives au contrôle de la cour des comptes tribunal compétent en la matière. Aucune mesure de sanction claire n'a été cependant prévue en cas de non observation de ces modalités. En outre, ceux parmi les partis qui n'ont pas réussi aux élections, et qui devaient donc restituer l'argent donné par l'Etat à titre d'avance, se sont volatilisés et il n'y a aucun moyen de les retrouver et en tous les cas aucune procédure juridique précise en la matière pour récupérer cet argent n'est prévue Selon le même intervenant le ministère des Finances n'a pu récupérer que 20% de cet argent. Ce qui a amené le représentant de l'association ATIDE à conclure que devant l'absence de ces moyens, on ne peut que déplorer le manque d'intégrité dans les dernières élections de 2011. Telles sont les points qu'il faut prendre en considération afin de préserver l'usage de l'argent public, qui n'est que l'argent du contribuable, afin de mettre fin à la corruption et aux abus de toute nature. Faire de la politique constitue un moyen de s'enrichir pour ceux dont la cupidité l'emporte sur l'intérêt général. C'est ce qui a fait dire à juste titre au sociologue français Pierre Bourdieu : «On peut vivre de la politique à condition de vivre pour la politique ».