L'instabilité en Libye pèse lourd sur la Tunisie depuis trois ans. Nul ne peut nier que la Tunisie vit au rythme de l'évolution de la situation sécuritaire dans ce pays voisin qui n'arrive pas à retrouver sa stabilité depuis des années à cause de la concentration des groupes armés et des intégristes. Cette situation inquiétante voire alarmante, attire l'attention de tous les acteurs sociaux intramuros et même les observateurs internationaux. Pour mieux comprendre ce qui se passe dans ce pays et l'impact des événements qui s'y déroulent sur la Tunisie, l'Institut Stratégique Hannibal a organisé hier, une table ronde autour du thème. La rencontre était une occasion pour faire une lecture géopolitique de la situation en Libye et les relations tuniso-libyennes. Marquée par l'intervention de spécialistes dans le domaine et d'ex-ambassadeurs, la table ronde était également, une opportunité pour des représentants de partis politiques afin de donner leur avis sur cette question d'importance majeure pour la Tunisie. En effet ce qui se passe en Libye n'est autre qu'un jeu de miroir. Les relations Tuniso-libyennes datent depuis des lustres. Outre la proximité géographique, les peuples des deux pays partagent des points communs et surtout des intérêts communs, notamment d'ordre économique et commercial. C'est dans ce même pays voisin qu'une grande frange de la société tunisienne gagne sa vie. Mais la donne a changé depuis presque trois ans. Ce pays voisin est devenu une source de plusieurs maux qui pénalisent et déstabilisent notre pays. Prolifération des actes terroristes, infiltration de groupes armés dans notre territoire, trafic d'armes, propagation de la contrebande....sont notamment, les répercussions des événements en Libye sur la Tunisie laquelle trouve de grandes difficultés pour lutter contre ces phénomènes. Cela s'explique, entre autres, par l'absence de stratégies claires et surtout de moyens nécessaires susceptibles d'arrêter l'hémorragie du terrorisme et l'infiltration de ces groupes via les frontières avec le Libye. Et les frontières ? D'ailleurs, le Professeur Taoufik Bourgou, universitaire spécialiste en Sciences politiques et expert en sécurité globale était clair là-dessus. Pour parler des mesures à prendre afin d'assurer nos frontières à la lumière de la propagation du terrorisme, l'expert a posé une question de départ. Quelle stratégie sécuritaire interne faut-il adopter à la lumière de ce qui se passe dans ce pays voisin ? La réponse à cette interrogation amène le Professeur Bourgou à poser quatre autres questions relatives successivement à la situation géopolitique, depuis les élections du 23 octobre 2011 jusqu'à la nomination de Mehdi Jomâa, l'impact des menaces sécuritaires sur le pays, la doctrine sécuritaire qu'il faut adopter dans le futur et la politique sécuritaire publique. A cet égard, l'expert en sécurité globale rappelle que la Tunisie est cibléedirectement par ce qui se passe au-delà des frontières et même auniveau des frontières sans y être impliquée. « Quand les portes sont ouvertes aux groupes, ces derniers auront des adeptes locaux », explique le spécialiste tout en rappelant l'effectif des jeunes tunisiens qui sont partis faire le Jihad en Syrie via la Libye et qui dépassent les 2500 personnes. L'universitaire fait également une lecture dans la situation régionale marquée par le retour en force de l'AQMI au Mali, la présence d'Abou Iadh en Libye. Ces deux facteurs représentent une menace réelle sur la Tunisie, d'autant plus que nous ne contrôlons pas convenablement nos frontières vu l'ampleur de la tâche et de l'absence de matériel. Toujours dans le même cadre, le Professeur Bourgou a parlé de l'impact sécuritaire sur la Tunisie. Il a cité les fléaux quise sont propagés depuis 2010, dont, le trafic d'armes...Dès lors, les agents de la Garde Nationale et la Douane sont tenus de renforcer leur surveillance pour faire échec aux infiltrations. Quant à la nouvelle doctrine sécuritaire, elle dépend de la révision de notre politique de défense. Elle doit se concentrer sur le renforcement des capacités de l'armée en termes de nombre et de qualification. Il importe aussi de revoir la structure des renseignements et de renforcer l'armée et surtout d'éviter de commettre des fautes. Finalement, le spécialiste n'a pas oublié d'attirer l'attention sur la complaisance de quelques associations avec les groupes armés, d'où « la nécessité de reconstruire, de refaire la politique sécuritaire en Tunisie » pour pouvoir faireface à l'instabilité dans ce pays voisin, car ce qui se passe en Libye n'est autre qu'un jeu de miroir comme l'a bien expliqué le Professeur Taoufik Bourgou.