Après avoir remporté la bataille du calendrier électoral en faisant valider son choix relatif à l'organisation des législatives avant la présidentielle dans le cadre du dialogue national parrainé par les quatre plus grandes organisations nationale, le mouvement Ennahdha prône désormais une démarche consensuelle en matière de choix du choix du futur locataire du Palais de Carthage. Réuni le week-end dernier à Tunis, le conseil de la Choura du parti islamiste a «dialogue, large et profond, entre les différents acteurs politiques et sociaux autour des élections présidentielles, en vue de parvenir au consensus le plus large possible autour d'une personnalité nationale, à même de poursuivre à œuvrer à concrétiser les objectifs de la révolution, et à consacrer l'édification démocratique». Sans l'annoncer explicitement, Ennahdha souhaite ainsi voir le candidat consensuel à la prochaine présidentielle choisi dans le cadre du dialogue national sous l'égide du quartet, comme ce fut le cas pour le choix de l'actuel chef du gouvernement Mehdi Jomâa ou de la détermination de l'ordre de priorité des scrutins législatif et présidentiel. Les parti de Rached Ghannouchi a pris goût à ce dialogue national qui l'a jusqu'ici beaucoup servi, ses choix finissant toujours par être validés par la majorité des partis participant à ces négociations (organisation des législatives avant la présidentielle, choix de MehdiJomâa, un ancien ministre dans le gouvernement d'Ali Laârayedh comme chef du gouvernement). Les observateurs avertis estiment, cependant, que les visées du mouvement Ennahdha sont beaucoup plus machiavéliques. En prônant le choix d'un candidat consensuel à la présidentielle, le parti vainqueur des élections de l'Assemblée générale constituante qui a toujours considéré le parlement comme l'épicentre du pouvoir et milité pour limiter autant que faire se peut les prérogatives du président de la République, souhaite vraisemblablement faire d'une pierre plusieurs coups. D'une part, le mouvement Ennahdha envoie un message fort aux pays occidentaux et aux bailleurs de fonds de la Tunisie qu'il ne compte pas gouverner seul. Depuis plusieurs mois, Rached Ghannouchi ne cesse d'ailleurs de parler d'un gouvernement d'union nationale, voire du maintien de l'actuel cabinet apolitique, arguant que le pays n'est pas en mesure de supporter durant cette phase critique de son histoire une démocratie où la majorité gouverne et l'opposition joue son rôle traditionnel. Garantir un président docile D'autre part, Ennahdha chercherait à diviser le camp progressiste en y provoquant une lutte fratricide, dont l'enjeu est le choix d'un candidat à la présidentielle. Le parti islamiste sait pertinemment qu'il ne compte pas dans ses rangs un candidat capable de tenir tête au charismatique président de Nida Tounes, Béji Caïd Essebsi, qui caracole depuis de longs mois en tête des intentions de vote pour la présidentielle. Il sait aussiqu'aucun autre candidat parmi la longue liste de prétendants n'est capable de se faire élire sans son soutien. Ainsi, un candidat bénéficiant du plus large consensus possible revient à écarter Béji Caïd Essebsi que la majorité des vingt partis impliqués dans le dialogue national ne semble pas porter dans le cœur. Cela est d'autant plus vrai que Nida Tounes s'est fait récemment des ennemis même dans le camp moderniste en annonçant qu'il allait présenter ses propres listes et non pas des listes communes avec d'autres formations pour les législatives. La perspective du choix d'un candidat consensuel devrait, par ailleurs, permettre à Ennahdha d'avoir un nouveau président de la République docile qui ne s'opposerait pas à sa politique générale une fois élu. Dans ce cadre, la liste des candidats consensuels potentiels à la présidentielle est bien longue. Elle comprend, entre autres, l'actuel président Moncef Marzouki, le président de l'Assemblée générale constituante, Mustapha Ben Jaâfar et naturellement le leader du parti Républicain (Al-Joumhouri), Ahmed Néjib Chebbi. Mais Ennahdha n'abottera comme d'habitude sa carte gagnante qu'à la dernière minute. Dans ce cadre, certains observateurs estiment qu'Ennahdha chercherait à travers son plaidoyer pour le consensus à conforter la candidature de son secrétaire général démissionnaire, Hamadi Jebali. Ce dernier a d'ailleurs déclaré a plusieurs reprises qu'il sera un candidat indépendant à la présidentielle et qu'il ne se présentera sous aucune bannière partisane.