L'appel lancé jeudi par le mouvement Ennahdha à la classe politique pour s'entendre sur un candidat «consensuel» à la prochaine présidentielle a été catégoriquement rejetée par les principaux partis politiques. Souvent accusé d'avoir conclu un deal secret avec le parti islamiste pour devenir le nouveau locataire du Palais de Carthage, le leader du Parti Républicain (Al-Joumhouri) Ahmed Néjib Chebbi, a été le premier à opposer une fin de non-recevoir à la proposition d'Ennahdha. «J'espère qu'il n'y aura pas de candidat consensuel. On a commis une erreur en 1988 et on s'est mis d'accord sur un candidat consensuel, en l'occurrence Ben Ali », a-t-il déclaré juste après la conférence de presse au cours de laquelle les dirigeants d'Ennahdha ont annoncé leur initiative. «La règle en démocratie est la concurrence», a-t-il affirmé Abondant dans ce même sens, le porte-parole d'Al- Joumhouri, Issam Chebbi, a fait savoir que la proposition d'Ennahdha d'entamer des concertations pour choisir un candidat à la prochaine élection présidentielle vise à «limiter le rôle du futur président afin qu'il demeure l'otage des partis politiques». «Le prochain président devra être élu de manière libre et directe et non pas choisi de manière consensuelle», a-t-il souligné. Les deux anciens alliés d'Ennahdha au sein de la Troïka, en l'occurrence Ettakatol et le Congrès pour la République (CPR), ont également opposé un veto à l'initiative du parti islamiste. «La proposition est contraire aux principes démocratiques » a estimé Ettakatol, dans un communiqué. Le porte-parole d'Ettakatol, Mohamed Bennour, a affirmé, pour sa part, que le choix du futur président de la République doit se faire à travers un scrutin libre et transparent, indiquant que les partis ne doivent en aucun cas remplacer le peuple en matière de choix des futurs dirigeants du pays. De son côté, le secrétaire général du CPR, Imed Daïmi, a qualifié la proposition d'Ennahdha de « contraire à l'esprit de la démocratie dont l'une des principales conditions est de garantir le droit d'éligibilité pour tout citoyen ». Limiter les prérogatives du futur président ? Faisant remarquer que cette proposition vient confisquer le droit des Tunisiens à choisir leur candidat favori, M. Daïmi a aussi indiqué que cet appel n'est pas réalisable en cette étape de démocratie, de révolution et de droit à des élections libres permettant à tout parti politique de procéder aux concertations nécessaires pour choisir son candidat à la présidentielle. Pour sa part, le porte-parole du mouvement Nida Tounes, Lazher Akremi, a estimé que la proposition d'Ennahdha n'est pas réalisable sur le terrain. « Cette proposition est très romantique dans la mesure où l'on peut obliger certains candidats à se désister, et au cas où le but de l'initiative d'Ennahdha est de faire bénéficier un candidat bien déterminé du soutien de plusieurs partis cela revient à créer une coalition électorale », a-t-il déclaré, signalant que Nida Tounes ne cherche aucunement un consensus autour de son candidat, Béji Caïd Essebsi. Le dirigeant du Front populaire, Mongi Rahoui, a qualifié l'initiative d'Ennahdha d'«d'appât» et d'« opération séduction» visant les personnalités politiques qui convoitent le Palais de Carthage. «Le mouvement Ennahdha veut reproduire l'ancienne procédure qui a abouti à l'élection d'un Président de la République sans réelles prérogatives » a-t-il affirmé. Ennahdha avait appelé jeudi la classe politique à s'entendre sur un candidat «consensuel » à la présidentielle prévue d'ici fin 2014 afin d'éviter davantage de tiraillements politiques. «Nous proposons aux partis politiques, la concertation pour un consensus sur la candidature à la présidentielle d'une personnalité indépendante ou appartenant à un parti politique», a déclaré l'ex-chef du gouvernement Ali Laârayedh lors d'une conférence de presse. Cette personnalité, «qui bénéficierait d'un large soutien», garantirait moins de tiraillements et plus d'unité », selon M. Laârayedh, «Nous sommes prêts à ne pas avoir de candidat à la présidentielle (...). Même s'il n'y a pas de consensus, Ennahdha n'aura pas forcément de candidat à la présidentielle", a ajouté M. Laârayedh. Le conseil de la Choura du parti islamiste avait déjà appelé, au cours de sa réunion tenue dimanche dernier, à un «dialogue, large et profond, entre les différents acteurs politiques et sociaux autour des élections présidentielles, en vue de parvenir au consensus le plus large possible autour d'une personnalité nationale, à même d'œuvrer à concrétiser les objectifs de la révolution, et à consacrer l'édification démocratique».