La séance plénière de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) tenue hier et consacrée à la discussion de la proposition de loi fixant le calendrier des prochaines élections législatives et présidentielle fut précédée de négociations pour trouver un consensus qui mettrait tout le monde d'accord. Au terme d'une réunion entre les chefs de groupes parlementaires, des accords ont été trouvés pour se mettre sur la même longueur d'onde. Le compromis trouvé consiste à ajouter au texte initial un article incluant dans le décompte des délais de recours les jours chômés de fin de semaine de manière à réduire ces délais et donc à gagner du temps par rapport au calendrier proposé par l'ISIE. Un autre compromis : considérer le texte proposé comme étant un projet de loi ordinaire et non pas un projet de loi organique pour des considérations de majorité requise pour son adoption. La proposition de loi comportera ainsi cinq articles, celui ajouté est inclus, toujours dans le cadre du consensus entre les chefs de groupes. L'article 1 dispose que le texte « fixe les dates des premières élections législatives et présidentielle à avoir lieu depuis la promulgation de la Constitution, en application de son article 148». L'article 2 fixe les dates des élections législatives: dimanche 26 octobre 2014 pour les élections législatives à l'intérieur du pays, et vendredi, samedi et dimanche 24, 25 et 26 octobre 2014 pourles Tunisiens à l'étranger. Le calendrier du premier tour de l'élection présidentielle est fixé par l'article 3 comme suit: dimanche 23 novembre 2014 pour le scrutin dans le pays et vendredi, samedi et dimanche 21, 22 et 23 novembre 2014 pour les Tunisiens vivant à l'étranger. En cas de deuxième tour de l'élection présidentielle qui fait l'objet de l'article 4, il appartiendra à l'ISIE de fixer les dates du scrutin, en application des dispositions de la Constitution et des articles 102, 103 et 112 de la loi organique 2014-16 du 26 mai 2014 relative aux élections et au référendum, mais sans que les dates à proposer ne dépassent, dans tous les cas de figure, le 31 décembre 2014. Les débats n'ont pas été houleux. Le projet de loi a été adopté en tant que loi ordinaire et non en tant que loi fondamentale. Et au vote final, la loi a été adoptée par 125 voix favorables, 17 abstentions et 13 contre. Globalement, le calendrier proposé par l'Instance Supérieure Indépendante des Elections a été maintenu. Quelles sont les portées de l'adoption du calendrier sur l'intégrité et la transparence du processus électoral ? Est-ce réaliste ? Les choses n'ont-elles pas été décidées à la hâte et la précipitation ? Pour des élections qui vont doter le pays d'institutions durables, est-ce qu'on ne pouvait pas proposer mieux ? Peut-on voter librement, dignement et réellement avec une telle loi ? Moëz Bouraoui, président de l'Association Tunisienne pour l'Intégrité et la Démocratie des Elections (ATIDE) est catégorique. Il considère que le projet de loi soumis à l'approbation de l'ANC est illégal. Il justifie sa position dans une déclaration au Temps en disant que le caractère illégal de ce projet s'explique par le fait qu'il ne respecte pas les dispositions de la loi électorale adoptée le 1er mai 2014, notamment le point 7 de son article 49 stipulant clairement la tenue de campagne électorale pour l'élection présidentielle durant 13 jours. Or le projet actuel écourte cette période à 5 jours seulement. En plus les délais de recours aux élections législatives, ils ont stipulé 21 jours au lieu de 23 contenus dans la loi. Pis encore, l'annonce des résultats définitifs des élections législatives va coïncider avec le jour du vote du second tour de la présidentielle. Ce qui entame sérieusement l'intégrité des élections. «Au regard de ces trois points le calendrier proposé constitue une infraction ostentatoire de la loi électorale et entame la crédibilité des prochaines élections», dit-il. Est-ce qu'on aurait pu commencer les élections en 2014 et les achever en 2015, tout en mettant en place les conditions nécessaires pour leur intégrité? Moëz Bouraoui, rappelle que de toute façon, les résultats du second tour de la présidentielle seront proclamés vers la fin du mois de janvier 2015. « Dans tous les cas de figure les délais seront dépassés. Autant prendre son temps et organiser les élections dans des délais normaux qui assurent leur intégrité et transparence », conclut-il. Même la séparation entre les élections législatives et présidentielle, convenue lors du Dialogue national est loin d'être totale, puisqu'il y a enchevêtrement entre elles. L'essentiel est d'achever au plus vite la période transitoire. La loi adoptée, la course démarre.