L'appel du leader de Nida Tounes, Béji Caïd Essebsi, à prolonger les délais d'inscription sur les listes électorales et à reporter le second tour de la présidentielle afin de garantir une forte participation aux scrutins législatif et présidentiel ont provoqué un tollé dans la scène politique nationale en pleine ébullition depuis la publication du calendrier électoral. Le porte-parole officiel du mouvement islamiste Ennahdha, Zied Laâdhari, a estimé que le changement du calendrier électoral constitue «une ligne rouge à ne pas franchir», faisant remarquer que son parti demeure conscient de l'existence d'un problème au niveau de la procédure d'inscription des électeurs et appelle, dans le même contexte, les composantes de la société civile et les partis politiques à jouer leur rôle de sensibilisation des citoyens. Le porte-parole d'Ennahdha a ajouté que son parti ne s'opposera à aucune solution visant à augmenter le nombre d'inscrits sur les listes électorales à condition de respecter les dispositions de la Constitution qui prévoit l'organisation des élections avant la fin de l'année en cours. Dans un communiqué publié mercredi, le Congrès pour la République (CPR) a vertement cet appel au report des élections émanant «d'un des symboles de l'ancien régime», qualifiant les déclarations de M. Caïd Essebsi de «dangereuses et irresponsables». Il a également affirmé son attachement au calendrier proposé par l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), tout en appelant «tous les patriotes, soucieux de la réussite de la révolution et du parachèvement du processus de transition» à faire front contre les symboles de l'ancien régime qui n'ont jamais cru en les valeurs de la liberté et de la dignité ni en les principes démocratiques ». Le secrétaire général du CPR, Imed Daïmi, a estimé, dans ce même cadre, que l'appel du président de Nidâ Tounes au report des élections confirme que ce parti a payé des instituts de sondages afin qu'ils le placent en tête des intentions de vote, faisant remarquer que Nida Tounes craint le verdict des urnes. Dans ce même ordre d'idées, le secrétaire général du Courant Démocratique, Mohamed Abbou, a déclaré qu'«il est étrange que l'appel au report des élections émane d'un parti qui a toujours fait la propagande des sondages politiques qui l'ont placé en tête des intentions de vote», laissant, lui aussi, entendre que le parti de Béji Caïd Essebsi craint le passage aux urnes. Surenchères En réaction à ces déclarations Khémaïes K'sila, membre du Bureau exécutif de Nida Tounes, a rejeté l'idée selon laquelle sa formation craint le verdict des urnes. «Les déclarations critiquant l'appel de Béji Caïd Essebsi à prolonger les délais d'inscription et à reporter le second tour de la présidentielle afin qu'il ne coïncide pas avec les vacances de fin d'année constituent des surenchères que pratiquent certains partis qui ne souhaitent pas voir les Tunisiens se diriger massivement vers les bureaux de vote lors des prochaines élections afin que ces scrutins aboutissent aux mêmes résultats que celles du 23 octobre 2011», a-t-il affirmé. Et d'ajouter : « Nous n'avons pas appelé au report des élections mais nous tenons à ce que les prochains scrutins très importants pour l'avenir du pays soient transparents et expriment la volonté de tous les Tunisiens, sans exclusion aucune». D'autre part, les remarques faites par Nida Tounes en ce qui concerne le processus d'inscription sur les listes électorales lancé par l'ISIE sont largement partagées par certaines organisations actives dans le suivi et l'observation du processus électoral. Tel est notamment le cas de l'Association tunisienne pour l'intégrité et la démocratie des élections (ATIDE) qui a fustigé la limitation des inscriptions à l'horaire administratif, l'absence de bureaux de l'ISIE dans certaines régions et le lancement tardif de la campagne de sensibilisation et la réduction du budget réservé à cette campagne de quelque 3,5 millions de dinars à 1 million de dinars seulement Le président de l'ATIDE, Moez Bouraoui, est d'ailleurs allé récemment jusqu'à accuser explicitement l'ISIE de vouloir garder un paysage politique identique à celui qui est apparu au lendemain des élections du 23 octobre 2011. Certains experts remettent, par ailleurs, en question les accusations du trucage des sondages au profit de Nida Tounes. «Nida Tounes ou un autre parti pourrait bien payer un institut de sondage tunisien afin qu'il le place en tête des intentions de vote, mais on voit mal comment ce parti ou un autre puisse soudoyer des instituts de sondage internationaux», estime le patron d'un institut de sondage tunisien, rappelant que le dernier sondage de l'institut américain International Republican Institute (IRI) a placé Nida Tounes en première position, avec 20% des intentions de vote, devant le mouvement Ennahdha (14%).