La mise en garde adressée le 10 juillet dernier par le Chef du gouvernement provisoire Mehdi Jomaâ à la direction du parti islamiste Hezb Ettahir lui recommandant de se conformer à la Constitution du pays et de respecter la loi sur les partis promulguée en septembre 2011, au risque de se voir suspendre l'autorisation accordée en 2012, semble être tombée dans l'oreille d'un sourd. Ce pari qui prône l'instauration du califat vient de publier le premier numéro de son journal dans lequel il prône notamment l'abandon de la Constitution et l'adoption de la Chariâa comme unique source de législation. Dans ce journal baptisé «Ettahrir», le parti légalisé sous le règne du gouvernement de Hamadi Jebali appelle également au démantèlement de l'Etat civil et du régime républicain et rejette l'idée même de l'organisation des élections. La position de Hezb Ettahrir est loin d'être surprenante. Quelques jours seulement après avoir reçu la mise en garde par le chef du gouvernement provisoire lui signalant ses dépassements de la loi sur les partis lors de ses meetings et dans ses communiqués officiels, et notamment son rejet de la démocratie représentative et de l'Etat civil, le parti dirigé par Ridha Belhaj a rendu public un communiqué, dans lequel il accuse le Chef du gouvernement de se plier aux diktats du Fonds monétaire international et d'être en connivence avec des hommes de l'ancien régime. «Le Chef du gouvernement est soumis à un agenda occidental, qui lui dicte ses décisions, comme celle de mettre fin aux activités de Hizb Ettahrir», peut-on notamment lire dans ce communiqué. Le parti qui affectionne la théorie du complot et impute les actes terroristes perpétrés contre les forces de l'ordre et les soldats à des hommes de main de l'ancien régime et à des services de renseignements étrangers a également fait savoir dans son communiqué qu'«il est de son droit de «dénoncer les traitres et les agents de l'étranger». Hizb Ettahrir reproche, enfin, à Mehdi Jomaa de ne pas avoir commencé sa lettre de mise en garde par la «basmala» (Au nom de Dieu, le tout Miséricordieux ! Retour au Califat Fondé en 1953 en Arabie Saoudite et en Jordanie par le cheikh Taqiuddin Al-Nabhani, un Palestinien diplômé de l'Université Al Azhar du Caire qui fut instituteur et juge islamique, Hizb Ettahrir a pour objectif avoué d'établir un Etat islamique couvrant l'ensemble du monde musulman. Conséquence est aujourd'hui présent dans plus de 70 pays et compterait des dizaines de millions d'adhérents et de sympathisants à travers la planète. La branche tunisienne du parti islamiste a été créée au début des années 80. Ses dirigeants ont été durement réprimés sous le règne de Ben Ali. Contrairement au mouvement djihadiste, Hizb Ettahrir s'est toujours prononcé en faveur d'un changement pacifique comme en atteste la décision des experts du renseignement de l'administration américaine, fin 2000, de ne pas l'inclure dans la liste des mouvements terroristes, arguant du fait que le parti n'a jamais participé à des activités de guérilla, à des enlèvements ou à l'organisation de camps d'entraînement. Sur le plan politique, le parti prône un régime politique basé sur le retour au Califat et considère que le Coran devrait être l'unique Constitution des musulmans. En vertu de ce système, le pouvoir se situe aux mains de la Oumma (Nation musulmane) qui choisit son calife à travers des élections mais la suprématie absolue est celle de la loi islamique.