L'épineuse question de la neutralité des mosquées et de la préservation de ces lieux de culte des tiraillements politiques, qui avait été mentionnée dans la feuille du dialogue national ayant abouti à la formation de l'actuel gouvernement de technocrates, se pose de nouveau avec acuité. Ce débat a été relancé par les déclarations du président de l'Association tunisienne des imams de mosquées, Salem Adali, qui appelé les Tunisiens à voter massivement lors des prochaines élections, estimant que l'opération de vote constitue un «témoignage qu'il est illicite de taire et un devoir qu'il faut, impérativement accomplir pour la liberté et la dignité de l'Homme». S'exprimant lors d'une conférence organisée par son association sur «le rôle des imams dans le processus électoral», M. Adali est allé jusqu'à traiter celui qui rechignera à voter de «diable muet» ! Cet appel a été vivement critiqué par certaines associations religieuses et civiles. Ainsi, le secrétaire général du syndicat des cadres des mosquées, Fadhel Achour, a estimé que l'appel lancé par le président de l'Association tunisienne des imams de mosquées, , «est loin d'être innocent». «L'appel au vote massif constitue une tentative d'inciter les citoyens à voter pour un parti bien déterminé», a-t-il précisé. En d'autres termes, une association des imams de mosquées qui appelle à voter pourrait fort probablement pour le commun des mortels constituer un appel au vote pour les partis qui se présentent comme étant des défenseurs de l'Islam. M. Achour a, par ailleurs, révélé que l'actuel gouvernement a échoué à «dépolitiser» les mosquées conformément aux dispositions de la feuille du route du dialogue nationale parrainé par l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT). «Quelque 800 cadres religieux mènent encore de la propagande partisane au profit de partis politiques bien déterminés, vu que le ministère des Affaires religieuses a fait preuve de beaucoup de laxisme en ce qui concerne la récupération des mosquées hors contrôle de l'Etat et n'a pas respecté les dispositions de la feuille de route stipulant la révision de nominations», a-t-il révélé. M. Achour a également exigé la démission du ministre des affaires religieuses, lequel «n'a pas respecté son engagement de récupérer ces mosquées dans un délai de trois mois ». ... Et pourtant, il n'en reste que 25 Le ministère des Affaires religieuses se targue, quant à lui, d'avoir récupéré la majorité des mosquées qui étaient en dehors du contrôle de l'Etat. Selon des sources officielles, 25 mosquées seulement ne sont pas actuellement sous l'autorité de l'Etat alors que 115 sont en situation illégale, c'est-à-dire qu'il s'agit de mosquées clandestines et non déclarées aux services du ministère. Par ailleurs, l'Association tunisienne pour l'intégrité et la démocratie des élections (ATIDE), qui observe l'ensemble du processus électoral, a révélé mercredi que la propagande partisane est une pratique courante dans les mosquées. «Nous avons enregistré une instrumentalisation claire par certains partis des lieux de culte à des fins électorales. Des imams ont tenté d'orienter les fidèles afin qu'ils votent pour un parti politique bien déterminé», a assuré Maher Ouled Amor, un dirigeant de l'ATIDE. Ainsi, un imam à Kairouan a fait comprendre aux fidèles qu'ils ne pourront plus fréquenter les mosquées si un parti moderniste sera au pouvoir. Un autre imam à Ben Arous a mis en garde les fidèles contre les risques d'un retour de l'ancien régime, tout en appelant à voter pour les partis islamistes. «Si vous ne votez pas pour les gens qui craignent Dieu, vous serez à nouveau traînés dans les postes de police pour le simple fait d'avoir fait pousser vos barbes ou pour avoir accompli la prière de l'Aube dans la mosquée. Les voiles de vos filles et de vos épouses risquent d'être arrachés. Méfiez vous !», a-t-il lancé dans son prêche du vendredi.