Que serait l'Octobre Musical sans Roberte Mamou ? Pour les habitués, ceux qui suivent avec intérêt le festival automnal depuis sa création, Roberte Mamou est une figure de proue. Pour ce vingtième anniversaire, la pianiste nous revient avec deux musiciens de talent Thierry Cammaert et Gérard Noack, ainsi que le Quartz Friends Orchestra, un sextet réunissant Gurdrun Vercampt, Alain Meulemans, Brigitte de Callatay, Yseult Kervin de Meerendre, Kevin Conru et Pierre Billiet. Sous le dôme de l'ancienne cathédrale Saint-Louis, la direction de l'Acropolium et la délégation Wallonie – Bruxelles ont invité les neuf artistes le temps d'un concert sous le haut signe de l'émotion... Une scène où trône un piano, peuplée peu à peu par des instruments à cordes et à vent que des mains expertes d'artistes chevronnés ont caressé ou frôlé, fait vibrer ou frémir avec un souffle d'air, ont incité les convives venus nombreux à entrer dans un monde de sonorité enrobé d'un sentimentalisme à fleur de peau. L'histoire de cette rencontre est une histoire simple, faite de notes et de phrasés que les artistes ont brillamment transmis au public. Le sextet a conjugué sa technicité à la profondeur du piano et à l'aspect aérien du hautbois. Avec une interprétation envoûtante, le charme des partitions a été transcendé. La force de Wolfgang Amadeus Mozart a ouvert et clos le concert. Deux concertos qui ont permis de renouer avec le génie créateur du compositeur. Les divers mouvements étaient une occasion d'explorer la beauté et l'esthétique mais aussi la tourmente et la tendresse sous-jacente qui caractérisent cette écriture particulière. Cependant, si Mozart était à l'honneur lors de la soirée, la surprise est venue du compositeur belge Sylvain Dupuis. En effet, en avant-première au Maghreb (la première représentation fut donnée le 20 août dernier en Belgique) le Concertino pour hautbois et cordes, détruit lors du bombardement de la bibliothèque du Conservatoire de Liège fut reconstitué par la compositrice Line Adam à partir des parties pour piano et hautbois. La partie des cordes a été « restituée » à l'instar de l'originale. Cette partition vive est chargée de sensibilité. Elle allie à la fois la force de composition et l'émotion saisissante. Un morceau qui a un goût particulier car il rend, d'abord, hommage à un compositeur avisé mais également à sa petite fille, Jacqueline Roskam qui, en apprenant que Thierry Cammeart allait faire « renaître de ces cendres » cette œuvre de son grand-père lui écrivit : « Cher Monsieur, J'ai été enchantée d'apprendre que vous jouerez le concertino pour hautbois de mon grand-père...j'ai 92 ans et suis très malade...je ne serai plus là le 20 août mais je me réjouis de savoir que lui y sera [...] Jacqueline Roskam le 5 mars 2014 ». De la Belgique, la mémoire de Sylvain Dupuis et celle de sa petite-fille ont traversé la Méditerranée pour que la musique de cet artiste investisse la colline de Carthage l'espace d'un concert. Une musique qui a séduit grâce à l'acuité des virtuoses qui l'ont interpétée et à l'inventivité de Thierry Cammaert. D'une émotion à l'autre Roberte Mamou et ses compagnons de scène ont ouvert les portes du temps et du talent. Sous ses doigts ont défilé les notes et se sont mêlés à ceux des violons, de l'alto, du violoncelle, de la contrebasse, du cor et du hautbois. Une rencontre sous le signe de l'excellence. Un plaisir que les artistes ont partagé avec le public et qui s'est poursuivi lors du rappel où Tchaïkovski a été l'invité surprise de ce concert et que de mieux pour clore une belle soirée automnale que par le « Chant d'Automne » du compositeur. A travers un programme à la mesure des attentes Roberte Mamou et ses acolytes ont su capter les sens par la célébration de la mémoire des compositeurs d'hier et d'aujourd'hui, un vendredi soir sur les hauteurs de Carthage...