Lorsque nous évoquons la guitare, nous pensons directement au Rock et à Jimmy Hendrix ; nous oublions souvent que cet instrument fait partie des cordes classiques. Cette année, l'Acropolium de Carthage et l'Ambassade du Portugal ont invité le maître de la guitare portugaise : Custódio Castelo pour un concert placé sous l'égide du dépaysement pour certains et du retour aux origines pour d'autres. Le guitariste fut accompagné sur scène par Carlos Menezes et la jeune chanteuse Valéria. Trois artistes... trois sensibilités ont investi les lieux pour une exploration du Portugal à travers quelques unes des célèbres chansons magistralement interprétées par le trio... « De la musique avant toute chose » avait écrit Paul Verlaine dans son « Art poétique » et c'est de musique que le public de l'Octobre Musical s'est délecté en cette soirée du dimanche 26 octobre dernier. A l'arrière plan, une lumière changeante a conféré à l'espace une ambiance particulière accompagnant l'évolution du jeu des deux guitaristes. Les deux compères ont ouvert le concert avec une acoustique vibrante. Des cordes ont été pincées diffusant dans l'enceinte de la salle cette complainte propre à la musique portugaise. Une complainte qui saisit l'âme en profondeur et l'immerge dans la beauté de la mélodie. Avec sa guitare portugaise dont la singularité réside dans les douze cordes qui la composent, Custódio Castelo en extirpa des notes mesurées qui vinrent épouser celles de la guitare classique de Carlos Menezes, cette union se mua en romance sans paroles. L'intensité du morceau interprété se lisait sur le visage de Custódio Castelo dont les crispations et les mimiques laissaient entrevoir l'animation et la passion inspirées par la partition. Pour lui, la technique est essentielle mais tout le reste est une affaire de cœur. Un cœur qu'il a su transcender donnant lieu à cette part de subjectivité mais également de liberté dans l'appropriation de la composition. Cette même sensibilité et cette même maîtrise ont caractérisé le jeu de Carlos Menezes qui a donné du relief à la guitare portugaise et a su restituer toute la charge émotionnelle des chants revisités. Les deux acolytes ont été rejoints par Valéria qui, par la chanson, a réinvesti le répertoire portugais. Du haut de ses dix-sept ans, Valéria a surpris l'assistance par sa voix chaude et puissante. Elle a ému ou a animé les spectateurs par son interprétation d'un répertoire varié oscillant entre tristesse et joie. Sa voix s'est unie aux cordes des deux guitares pour s'adresser à l'émotivité des spectateurs. La mélancolie brillamment explorée et déversée sur le parterre a été un moment de saisissement vivement applaudie. Outre la voix, la chanteuse a exhibé ses talents de pianiste. Non prévu préalablement dans le programme, le trio a intégré une chanson au piano. Lors de cette interprétation, Custódio Castelo et Carlos Menezes se sont métamorphosés en chœur accompagnant de leurs voix graves, la voix abyssale de Valéria. « De la musique avant toute chose » était au centre de cette soirée portugaise. Sur la scène ou sur les marches conduisant à cette scène Custódio Castelo a fait découvrir au public la guitare portugaise et la particularité du jeu : pincer les cordes avec deux doigts ; pour ses compatriotes, le concert était une occasion de retourner à la terre natale à travers la musique ancestrale savamment appropriée par le trio. De cette soirée, tous les présents garderont dans l'esprit la voix de Valéria, une chanteuse à part entière en dépit de son jeune âge, et puis la rencontre avec un guitariste de génie Carlos Menezes et le virtuose Custódio Castelo dont le cœur vibrant à chaque morceau a fait vibrer celui des mélomanes. Ensemble, le trio a fait chavirer la sensibilité de chacun à la seule force des cordes. Qu'elles soient celles des guitares ou plutôt vocales, ces cordes ont conversé pour frémir et faire frémir les plus durs et les plus récalcitrants quant aux autres, ce concert était celui d'une rencontre avec sa propre sensibilité que des artistes, des vrais, sont parvenus à faire ressortir en pleine lumière...