Les élections législatives du 26 octobre ont révélé un véritable remodelage du paysage politique. De nouvelles forces ont émergé comme Nidaâ Tounes qui a récolté 85 sièges et, à un degré moindre, l'Union Patriotique libre (16 sièges) et le Front Populaire (15 sièges). Le mouvement Ennahdha est resté la deuxième force politique du pays avec 69 sièges malgré la baisse de son poids électoral en comparaison avec le scrutin du 23 octobre 2011 lorsqu'il avait obtenu 89 sièges à l'Assemblée nationale constituante (ANC). D'autres partis ayant pignon sur rue ont été, cependant, presque rayés de la carte électorale tels qu'Al Joumhouri, l'Union pour la Tunisie (UPT: Al Massar et indépendants), Ettakatol ; le Congrès pour la république (CPR) et le Courant de l'Amour (Ex-Al Aridha Chaâbia). La majorité des perdants montrent du doigt le phénomène du vote utile au profit du parti de Béji Caïd Essebsi pour expliquer leur échec cuisant. «La bipolarisation politique entre Nida Tounes et Ennahdha a atteint un degré extrême. Nidaâ Tounes a profité de cela à travers son invitation au vote utile. Et la base électorale de toutes les forces centristes a ainsi été récupérée par lui», estime Issam Chebbi, dirigeant d'Al Joumhouri (1 seul siège au futur parlement). M. Chebbi a également écarté l'hypothèse d'un vote sanction. «Il est vrai que les électeurs n'ont pas voté pour nous mais ils ne nous ont pas punis car nous avons toujours été fidèles à nos principes», a-t-il dit. Pour le dirigeant d'Al-Joumhouri l'heure d'un rééquilibrage du paysage politique national à travers la création d'un pôle centriste a sonné. «Nous devons profondément revoir nos politiques, nos méthodes, nos dirigeants. Car à présent en Tunisie, nous avons deux partis de droite alors que le centre est vide », a-t-il plaidé. Même son de cloche ou presque chez Fadhel Moussa, un dirigeant de l'UPT, une coalition qui n'a obtenu aucun siège. «Le vote utile a été handicapant. Ceux qui s'y sont soumis ne voulaient faire qu'une chose: exclure Ennahdha». Proximité nocive Candidat de l'UPT à l'Ariana M. Moussa a aussi noté que son parti a pâti du fait d'être resté très proche de Nidâa Tounes qui avait fait partie de l'UPT, tout comme Al-Joumhouri, avant d'en claquer la porte. «Les électeurs ont estimé que comme l'UPT entrera en coalition avec Nida Tounes après les élections, alors on va voter pour Nida Tounes directement. Notre faute c'est que nous nous sommes trop approchés de Nida Tounes et notre image s'est mélangée à lui», a-t-il estimé. Le succès relatif d'Afek Tounes, qui s'est retiré d'une première alliance avec Al-Joumhouri en 2013 et a refusé d'intégrer l'UPT confirme d'ailleurs cette hypothèse. Démocrate, progressiste et ouvertement libéral, le parti de Yassine Barhim, qui était déjà présent à l'ANC, a réussi à doubler son nombre de sièges (8 sièges). Les mauvais scores du CPR (4 sièges) et l'Ettakatol (un seul siège) s'expliquent, quant à eux par un vote sanction. «Ce vote sanction est un message exprimant un mécontentement contre la Troïka (Ettakatol, CPR, Ennahdha). Il faut calmement en tirer les leçons et effectuer les révisions nécessaires», juge Tarek Kahlaoui, membre du CPR. «L'une des priorités actuelles est de construire une coalition au sein de la prochaine assemblée, regroupant les partis démocrates et centristes qui défendront le cheminement démocratique », a-t-il ajouté. De son côté Mustapha Ben Jaâfar, secrétaire général d'Ettakatol pense que «le peuple tunisien nous a punis parce que les forces social-démocrates sont restées dans un éparpillement désastreux et n'ont pas assumé la responsabilité de s'unir». M. Ben Jaâfer appelle d'ailleurs à la construction d'un front centriste nécessaire à la stabilité politique du pays. «L'absence de la famille centriste et la bipolarisation dans la prochaine Assemblée risquent de provoquer des conflits qui peuvent s'enflammer entre Nida Tounes et Ennahdha», craint-t-il. Selon les observateurs, les partis perdants aux législatives ont aussi pâti de des dissensions qu'ils ont connues ces dernières années. Ainsi Al Joumhouri et son rejeton, l'Alliance démocratique, ont quasiment un même électorat. De même, le mouvement Wafa, le Courant démocratique et le CPR qui étaient à l'origine réunis au sein d'un seul parti ont puisé dans le même réservoir électoral. Walid KHEFIFI * L'infinitif est utilisé en transposition de la célèbre inscription au sang dans l'affaire Omar Raddad : « Omar m'a tuer ».