D'emblée, la CDP a dévoilé ses secrets. Sa configuration ainsi que son mode de fonctionnement sont, dorénavant, sus. Il s'agit d'une Troïka parlementaire bis, mais avec un schéma inversée, ayant comme chef d'orchestre un parti démocratique et non pas islamique comme la fois précédente. Cependant, la vraie nouveauté réside dans l'opposition, qui n'a plus la même allure qu'avant, puisqu'elle est, aujourd'hui, constituée d'un important groupe de gauche, le Front Populaire, et de quelques indépendants de la même tendance. Alors, cette composition très hétérogène va-t-elle imprimer à la nouvelle Assemblée un comportement plus effervescent que celui de l'ANC? Devrait-on s'attendre à des conflits plus prononcés et à un clivage droite/gauche plus marqué? Sagesse ou transaction ? Selon certains analystes, en postulant au poste du premier vice-président de la CDP, le FP a cherché à dévoiler le rapprochement, qui se faisait en catimini, entre Nida Tounes et Ennahdha, car compte tenu de son poids électoral, il aurait dû présenter sa candidate, Mbarka Aouaynia Brahmi, au poste du second vice-président qu'elle aurait pu, facilement, obtenir. Donc, le fait d'avoir placé la barre trop haut n'est qu'une manœuvre politique de sa part en vue de mettre à jour cette sainte-alliance entre le vainqueur et son dauphin des élections législatives, comme l'a expressément dit ladite candidate juste après la proclamation des résultats. Les mêmes analystes estiment que le fait que la plupart des députés de Nida Tounes votent en faveur du candidat d'Ennahdha est une attitude sage et rationnelle visant à faire éviter au pays des tensions qui seraient très lourdes de conséquences, d'autant plus que celle-ci dispose du tiers bloquant au sein de l'ARP. En outre, ils considèrent que cette entente n'est pas, forcément, synonyme de coalition. Ce n'est pas de cette oreille que l'entend le FP qui y voit les prémisses de ce qu'on appelle le « gouvernement d'unité nationale » entre le libéralisme bourgeois et le libéralisme religieux. Les défenseurs de cette éventuelle coalition considèrent que c'est la voie du consensus salutaire qui pourrait faire sortir le pays de la crise, tandis que les détracteurs de cette thèse soutiennent que ce consensus n'est plus de rigueur, étant donné qu'on est dans une phase post-électorale, qui est censée avoir résolu les différents, qui en d'autres temps auraient exigé des accords entre les parties antagonistes, où le vainqueur devrait assumer pleinement les pouvoirs de la République et où la deuxième force électorale devrait occuper le rôle de l'opposition, à l'image de ce qui se passe dans les démocraties. Opter pour le consensus ne serait pas une manière d'éterniser la transition dépassé par les élections? Débats virulents Au-delà de toutes ces spéculations, une question s'impose : comment va réagir la base de Nida Tounes vis-à-vis de ce rapprochement entre leur parti et Ennahdha ? Déjà, la réponse on l'a obtenue par le biais de la position de quelques députés de ce parti qui ont donné leurs voix à la candidate du FP. Plusieurs partisans et sympathisants de Nida, qui se sont inscrits dans le « vote utile », voient, toujours, dans celui-ci l'allié d'hier dans le cadre du Front de Salut National et dans Ennahdha une menace qui plane encore, et que le changement de discours et de position par cette dernière n'est qu'un repli tactique imposé par le contexte international qui a amené son allié stratégique, Qatar, à se réconcilier avec les pays du Conseil de coopération du Golfe. La base d'Ennahdha, elle non plus, n'accueille pas favorablement ce rapprochement, vu qu'elle considère que Nida Tounes est le réservoir des résidus de l'ancien régime, comme l'a soutenu le député indépendant, Adnène Hajji, qui considère que les directions des deux grands partis sont en rupture avec leurs bases respectives. Ce n'est pas ce que pensent certains observateurs qui affirment que celle d'Ennahdha est très disciplinée comme elle l'a démontré lors des élections présidentielles où elle a voté pour le candidat Moncef Marzouki. Ils sont persuadés qu'à la suite de cette parfaite entente entre les deux partis, à propos poste du premier vice-président, elle appliquera à la lettre la consigne du conseil de la Choura du parti islamique qui sera, vraisemblablement favorable à Béji Caïd Essebsi, l'allié qu'on veut rassurer, puisqu'elle consistera, selon eux, à ne prendre position ni pour lui, ni pour son rival, en gage de bonne foi. Cette lecture est confortée par le statut qu'a affiché Adnène Mansar sur son mur où, faisant allusion à Ennahdha, il dénonce « ceux qui les ont trahis en se rangeant du côté du régime déchu». Donc, certaines parties considèrent que la coalition entre Nida Tounes ne relève pas des spéculations de l'esprit mais que c'est un fait accompli. Les débats s'annoncent virulents autour de plusieurs dossiers chauds tels que celui de la présidence de la République et la loi des finances qui mettra aux prises les composantes du futur gouvernement et l'opposition.