Dans un communiqué rendu public dans la journée du 13 janvier 2015, la présidence de la République a informé que, suite à une réunion entre Béji Caïd Essesbi et une délégation du ministère de la Justice, une amnistie a été accordée en faveur de 2135 prisonniers. Le directeur général des affaires pénales au sein du ministère de la Justice, Riadh Belkadhi, a expliqué que cette amnistie s'est faite sur la base de critères qui garantissent, dans un premier temps, la loi d'égalité entre les prisonniers. L'amnistie bénéficiera aux prisonniers qui n'ont pas été incriminés pour des crimes lourds tels que le terrorisme, le meurtre, l'implication dans le port et l'introduction illégaux des armes dans le pays, et les crimes sévères des mœurs. De ces 2135, 1322 prisonniers ont été libérés. Pour les autres détenus, les peines ont été révisées à la baisse selon la période qu'ils ont passé et celle qui leur reste. Une source proche de la présidence de la République nous a informé qu'une bonne partie des détenus libérés font partie des impliqués dans la loi 52, loi relative à la consommation du cannabis. Le Temps a contacté la famille d'un jeune garçon, nommé Moez, qui a été arrêté en novembre 2014, pris en flagrant délit de consommation du cannabis. Moez, âgé de 22 ans, a été libéré dans la soirée d'hier après avoir été condamné à un an de prison ferme et une amende de plus de 1000 dinars. La mère de Moez nous a confié que, quand elle a appris qu'il allait y avoir une amnistie, elle a prié toute la journée pour ce que son fils en soit concerné. Elle a ajouté que, pendant de longues heures, elle n'a trouvé aucun moyen de vérifier si c'était le cas ou pas, jusqu'à ce Moez l'appelle vers 22 heures 30 pour l'informer de sa libération. Peu avant minuit, le jeune garçon était de retour chez lui. « Dieu avait répondu à mes prières, je n'arrive toujours pas à y croire ». Sous le coup de l'émotion, la mère de Moez a éclaté en sanglot et a dit que son fils lui était revenu traumatisé. « Il refuse de quitter sa chambre, il ne cesse de me répéter que ce qu'il a vécu était horrible et qu'il ne quittera plus jamais la maison de peur qu'une autre mésaventure lui arrive... » Une loi injuste ? La loi 52 est sujette à des polémiques en Tunisie depuis bien longtemps. Beaucoup de jeunes ont dû passer une année de leur vie entre les murs de la prison pour un misérable joint. Etant une drogue douce, le délit de la consommation du cannabis est généralement traité avec modération dans les autres pays comme la France ou encore le Maroc. En Tunisie, ce délit conduit à une année de prison ferme par défaut, le juge qui traite l'affaire ne prend en compte ni l'âge du consommateur ni la fréquence de sa consommation. En ces quatre années de révolution, on a eu affaire à maints dossiers relatifs à la loi 52 comme l'arrestation du jeune activiste Aziz Ammami l'année dernière ou encore celle du rappeur, Alaa Yaakoubi, alias Weld El 15, en 2013. Lors de sa campagne électorale de l'élection présidentielle, Béji Caïd Essebsi a déclaré qu'il était pour l'amendement de la loi 52. Il avait expliqué, à l'époque, que cette loi est répressive et détruisante. Tout en assurant qu'il n'encourageait nullement la consommation des drogues, il s'était engagé à œuvrer afin que cette loi soit révisée. Selon nos sources, BCE compte tenir sa promesse et cette amnistie en serait le premier signe. Des amnisties et des mauvais souvenirs Malgré toutes ces données, l'amnistie accordée par Caïd Essebsi a suscité la colère chez certains citoyens tunisiens qui ont exprimé leur étonnement à ce que personne ne dénonce cet acte comme on le faisait quand l'ancien président, Moncef Marzouki, prenait la décision de relâcher des prisonniers à des occasions différentes. Si l'on revenait en arrière, aux amnisties de l'ex-président défenseur des Droits de l'Homme, et dans le but de rafraîchir des mémoires devenues trop courtes, on trouverait que ces amnistiés, ou une partie d'eux, ont été relâchés d'une manière arbitraire. En effet, pendant plus de deux ans, on ne cessait de se rendre compte que des impliqués dans des actes terroristes ou dans des crimes horribles avaient été libérés par Marzouki. Lors de l'assaut de Oued Ellil, survenu tout juste avant la tenue des élections législatives de 2014, un amnistié de Marzouki aurait mené l'opération. Un autre incident avait eu lieu dans la ville de Monastir, en 2012, quand un jeune homme a poignardé celui qui l'avait violé quand il avait huit ans, un pédophile libéré sur amnistie... Les cas ont été nombreux, mais le passé ne nous intéresse plus, c'est sur l'avenir de notre pays que nous devons nous concentrer et pour cela, nous serons vigilants à tout et nous ne laisserons rien passer !