Des parents d'élèves en colère se sont rassemblés hier matin devant l'école primaire « AL Chabab » (Douar Hicher). Venus protester contre le viol de deux écoliers de troisième année primaire, certains d'entre eux n'ont pas manqué de faire porter la responsabilité de cet horrible acte au directeur de l'école et l'ont accusé de négligence. Mardi dernier, constatant l'absence d'un enseignant, le proviseur aurait demandé aux élèves de quitter l'enceinte de l'école et ce qui devait arriver, arriva ! Rencontrant les deux garçons de 8 et 9 ans, seuls sans adultes, sur leur chemin du retour, le présumé violeur en a profité pour commettre son ignoble crime. Il a déjà été arrêté par les forces de l'ordre. Ses victimes l'ont formellement identifié. Pour leur part, les parents d'élèves se sont dit indignés mais surtout inquiets surtout que ce viol est loin d'être un acte isolé et que d'autres agressions sexuelles ont été commises sur d'autres enfants dans la région. Un des pères interrogé à ce sujet, a en effet affirmé avoir très peur désormais pour son enfant et que beaucoup de parents comme lui n'écartent plus l'idée de changer leurs enfants d'établissement scolaire voire d'interrompre leurs études en vue de les protéger de ces dangers. Morsure de chien... A Douar Hicher, l'école primaire « AL Chabab » jouxte le lycée qui porte le même nom, situé en bordure de terres agricoles. L'emplacement de ces deux établissements scolaires représente un certain danger pour les élèves car certains doivent traverser les champs pour venir le matin puis rentrer chez eux à la fin des cours. Nombreux sont les parents qui accompagnent quotidiennement leurs enfants matin et soir et leur interdisent de rentrer seuls. D'autres, ordonnent à leurs enfants de marcher toujours en groupe et de ne jamais s'isoler des autres élèves. Car la menace est bien réelle ! Outre les délinquants, les voleurs et les violeurs, il y a aussi des animaux qui errent dans les alentours. En début d'année scolaire, une enseignante de l'école « Al Chabab » a été mordue par un chien alors qu'elle était devant une salle de classe. A la suite de ce grave incident, le corps enseignant avait organisé un mouvement de protestation dans l'enceinte de l'école pour s'insurger sur leurs conditions de travail et le climat d'insécurité qui les empêche de mener à bien leur mission pédagogique avant d'être reçus par le gouverneur de Manouba. Une campagne d'abattage de chiens errants dans la région s'en était alors ensuivie. En octobre 2013, les professeurs des lycées « Douar Hicher » et « Al Chabab » ainsi que les enseignants de l'école « Al Chabab » avaient déjà protesté également contre l'insécurité ambiante mais aussi contre les ordures amassées aux alentours de ces établissements scolaires, l'état de détérioration du matériel pédagogique mais aussi l'absence de personnel administratif nécessaire pour appuyer leur travail. Les dangers de l'école Ailleurs que dans les grandes agglomérations, il n'est pas rare que des établissements scolaires soient situés dans des coins reclus, loin des habitations et de toutes commodités. Les élèves, souvent défavorisés, doivent marcher une à deux heures à pied. Par temps de pluie comme sous un soleil de plomb, ils parcourent un, deux, trois kilomètres ou plus pour arriver jusqu'à l'école ou le lycée où ils étudient. Très souvent seuls et non accompagnés, ils sont confrontés à mille et un dangers. Mais pas seulement sur la route ! Même à l'intérieur de l'école et dans les salles de classe, le danger reste encore bien réel, entre murs fissurés, moisissure, plafonds en lambeaux qui menacent de s'effondrer à tout instant, vitres cassées, escaliers vacillants et animaux dangereux qui rôdent dans les alentours tels que les sangliers, les chiens et les serpents. De même, nombreuses sont les écoles, notamment celles situées dans des campagnes qui ne possèdent ni portail ni clôture. Pire encore, certains établissements scolaires ne sont que partiellement clôturés et très souvent, les élèves et leurs enseignants reçoivent la visite inopinée de vaches, de moutons et de brebis venus brouter l'herbe dans la cour... Une réalité désolante qui touche un grand nombre d'écoles, particulièrement celles situées dans les zones rurales. A l'heure où des voix s'élèvent pour exiger des augmentations de salaire et prennent en otage des milliers d'élèves en enchaînant les grèves, certains semblent oublier ou ignorer que quelque part dans ce pays, de petits Tunisiens étudient dans des écoles infectes et insalubres, qui ne serviraient même pas à accueillir des animaux sous d'autres cieux. A maintes reprises, les responsables du ministère de l'Education se sont dits conscients de l'état de détérioration de ces établissements mais des raisons financières empêchent le lancement simultané de chantiers de rénovation dans toutes les écoles concernées. Un plan de réhabilitation des établissements scolaires sinistrés échelonné sur plusieurs années a toutefois été mis en place, par ordre de priorité. Il ne reste maintenant plus qu'à espérer que ce plan soit respecté et que les travaux se fassent à temps pour éviter que des catastrophes, telles que l'effondrement en 2013 des plafonds de deux salles à l'école primaire de Béja, ne surviennent entre temps. Une certitude toutefois, l'état de certaines écoles tunisiennes est une bombe à retardement qui risque d'exploser à tout moment...