Le blogueur Yassine Ayari comparaît aujourd'hui devant la cour d'appel du tribunal militaire, après avoir formulé un recours contre sa condamnation à un an de prison ferme par les juges du premier degré du même tribunal. Entre-temps cette affaire continue à susciter les multiples réactions des membres de la composante civile, lesquels sont unanimes à affirmer que ce procès est doublement inconstitutionnel, constituant une atteinte à la liberté d'expression d'une part et au droit à un procès équitable d'autre part. Le collectif de défense de Yassine Ayari, avait qualifié ce procès de « message négatif en cette conjoncture que vit le pays » appréhendant davantage de restrictions à la liberté d'expression. En attendant, le blogueur est toujours en détention à la prison de Mornaguia depuis son arrestation à son arrivée à l'aéroport de Tunis-Carthage le 24 décembre 2014 . Le recours en appel pour lequel il comparaît aujourd'hui est essentiellement motivé, selon les avocats de la défense, par la mauvaise application de la loi, étant donné qu'il s'agit en l'occurrence d'un délit de presse. En effet le nouveau décret-loi 115 du 2 novembre 2011 relatif à la liberté de la presse, ne prévoit pas de peine de prison pour les délits de presse, n'a pas été pris en considération . Le parquet avait engagé l'action publique sur la base des délits de droits commun. A ce propos, Hichem Senoussi, président de la HAICA a affirmé que : « le procureur n'a juridiquement aucune qualité d'intervenir en cas de délit de presse ». Les adeptes de la thèse contraire arguent que le procureur a qualité d'intervenir, chaque fois qu'il estime nécessaire que l'ordre public, dont il est le garant, est menacé. Par ailleurs, et toujours selon le collectif de défense de Yassine Ayari, le procès devant le tribunal militaire constitue une atteinte à la Constitution, étant donné que ce tribunal est désormais contraire au droit à un procès équitable consacré par ladite Constitution. En effet, en vertu de cette dernière, la compétence du tribunal militaire est limitée aux délits à caractère strictement militaire. Les organismes de défense des droits de l'Homme dont notamment Human Rights Watch, ont réagi au maintien en détention du blogueur. Amna Guellali représentante de HRW a déclaré : «Le jugement du blogueur Yassine Ayari par un Tribunal militaire est une violation des principes fondamentaux du droit international selon lequel les tribunaux militaires ne sont pas compétents pour juger les civils ». Dans sa même déclaration, HRW rappelle que «le jugement de personnes pour atteinte à l'armée ou à autres institutions de l'Etat s'oppose à l'engagement de la Tunisie à respecter l'article 19 du Pacte international des droits civils et politiques ». Elle avait également appelé les membres de l'Assemblée des représentants du peuple, à procéder à une révision des lois qui prévoient des peines d'emprisonnement pour toute atteinte aux institutions de l'Etat et estime indispensable de « redéfinir les compétences des tribunaux militaires en vue de le dessaisir de toute autorité civile ». Saida Ayari, la mère du blogueur, est allée protester vendredi dernier devant le bâtiment de l'Assemblée des représentants du peuple. « Je vais m'entretenir avec un groupe de députés de l'ARP. Je parlerai au président Mohamed Ennaceur, le vice-président Abdelfatteh Mourou et la députée de Nidaa Tounes Bochra Belhaj Hmida pour les persuader de réagir face à l'injustice que subit mon fils actuellement» a-t-elle déclaré dernièrement aux médias ».Elle a ajouté que «la liberté d'expression est un droit garanti par la Constitution ». Les avocats de la défense sont unanimes à requérir du tribunal militaire de se dessaisir au profit d'un tribunal civil, s'agissant d'un délit de presse et non un délit militaire. Ils demandent de ce fait que leur client soit jugé en vertu du décret-loi 115 du 2 novembre 2011 relatif à la liberté de la presse.