On ne parlera jamais assez de ce jeune poète de génie que fut Aboul Kacem Echebbi qui se distingua tant par son talent que par ses idées progressistes, et dont la vie ne dura que l'espace d'un matin. Il tira sa révérence en effet à vingt cinq ans, la fleur de l'âge et n'eût même pas le temps de ce fait de terminer la mission qu'il s'était fixée, insuffler chez ses contemporains une âme nouvelle les incitant à dénoncer une certaine léthargie chez les conservateurs zeïtouniens aux mentalités figées et obscurantistes, empêchant tout progrès et prêtant par la même le flanc, aux colonisateurs qui se complaisaient dans une telle situation et en tiraient le maximum de profit. De formation zeïtounienne lui-même il prit conscience de cette situation dès sa tendre enfance, en composant son premier poème en 1924, à l'âge de treize ans, soit quatre ans après son inscription à la Zitouna. Il faut dire que le milieu familial dans lequel il s'est trouvé, contribuera pour une large part à son orientation vers les études juridiques et littéraires. Son père était au effet cadhi (magistrat charâique) qui fit ses études à l'université Al Azhar au Caire. Abul Kacem Echabbi était très attaché à son père et lui devait de ce fait son initiation à la littérature. A Tunis, pendant ses études à la Zitouna, il commença à fréquenter les cercles littéraires de la Khaldounia et celui des anciens sadikiens. Il était confronté de prime abord à cette léthargie de certains zeitouniens conservateurs qui ne faisaient rien pour dénoncer cette situation d'injustice que vivait la Tunisie à cause d'un colonisateur qui exerçait toute sorte d'abus, et bafouait les droits des autochtones. Les intérêts des colons étaient considérés en premier lieu, et au détriment de ceux qu'on appelait péjorativement les indigènes. Abul Kacem Echabbi, eut très tôt conscience d'un telle situation qu'il dénonça spontanément et presque de manière instinctive. Par sa première conférence qu'il donna au local de la Khaldounia " l'imaginaire poétique chez les arabes ", qui suscita d'ailleurs la réaction de plusieurs conservateurs, il avait pour but d'interpeller ceux-ci, en les appelant à sortir de leur torpeur et de cesser de vivre dans une monde fictif dans lequel ils se complaisaient en se contentant de perpétuer des idées figées et immuables. Abul Kacem Echabbi, avait puisé dans la nouvelle poésie de ceux parmi les moyens orientaux qui avaient immigré aux Etats-Unis et avaient découvert un monde nouveau, au moment où le monde arabe souffrait des injustices et des exactions des colonisateurs étrangers. Il a ainsi apprécié la poésie d'un Jabran Khalil Jabran, émigré très jeune en Amérique avec ses parents, et épris des notions de justice et des droits de l'homme. Abul Kacem Echabbi fut pour cette raison un poète engagé qui s'érigea contre les mentalités conservatrices et néfastes, ainsi que contre les exactions du colonisateur. " je ne pleure pas les longues nuits (d'amour) languissantes et monotones ou les vestiges peu à peu effacés Mais, mes larmes sont à cause d'un grand malheur dont personne ne put nous éviter " le malheur dont il parlait c'était évidemment celui du colonialisme abul Kacem Echabbi milita pour ses idées qu'il exprima avec courage et sans crainte aucune. Il ne manqua ni d'audace ni de volonté, mais tout simplement de temps. Pris de court par la maladie il mourut un 9 octobre 1934 à l'hôpital italien (actuellement l'hôpital Habib Thameur) " Je vivrai malgré les maux et les ennemis, comme un aigle sans cesse sur les hauteurs " s'il n'y parvint de son vivant, son nom reste toutefois à jamais gravé parmi les grands du siècle dernier.