Chiheb Bouden, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, et les universités privées sont à couteaux tirés D'ici le 15 septembre, personne ne sait si les universités privées vont recevoir leurs étudiants ou si elles vont être obligées de fermer boutique A moins de deux semaines de la rentrée universitaire 2015-2016, les établissements de l'enseignement supérieur privé sont à la croisée des chemins. Jusqu'à hier, jeudi 3 septembre, les étudiants tunisiens ou africains qui ont déjà payé leurs inscriptions ne savaient pas le sort qui leur sera réservé le 15 septembre : rejoindre leurs universités ou aller choisir ailleurs. La crise qui oppose depuis quelques semaines le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique aux établissements de l'enseignement supérieur privé a connu, hier, un nouveau rebondissement. Le ministère a, en effet, publié un communiqués signé de la main du ministre Chiheb Bouden dans lequel il appelle «les étudiants désirant s'inscrire dans les universités privées à s'assurer de l'homologation de ces établissements». Et le communiqué de préciser : «Il est possible de procéder à la vérification en consultant le site électronique du ministère». Dans la fin du communiqué, le ministère revient au différend qui l'oppose aux responsables des universités privées. Il s'agit de la décision prise par le ministère imposant aux étudiants en ingéniorat de subir un concours sous la supervision du ministère et obligeant les universités privées à accepter que leurs étudiants passent par le filtre de Chiheb Bouden. Au cas contraire, les diplômes délivrés par les universités privées ne seront pas homologués et n'auront aucune importance. En plus clair, les étudiants tunisiens ou étrangers (plus particulièrement de l'Afrique) qui auront payé plusieurs milliers de dinars pour obtenir un diplôme d'ingénieur pourraient se retrouver dans une situation que personne ne leur envie : un diplôme universitaire qui ne vaut rien. Une décision incompréhensible Pourtant, il semblait que fin août dernier, on était parvenu, au niveau du gouvernement, à une solution contentant tout le monde. D'après un document parvenu à La Presse, le Conseil des ministres tenu le 27 août dernier à pris les décisions suivantes, la création d'une agence indépendante d'évaluation et de suivi du rendement des universités privées, la révision du cahier des charges relatif au secteur avec la participation des représentants des universités privées. Deux autres décisions ont été prises à cette occasion. D'abord l'instauration de contrats-programmes qui déterminent les engagement de toutes les parties, les universités privées devant soumettre leurs programmes avant fin 2015. Ensuite, faire en sorte que le nombre des étudiants pour l'année 2015-2016 soit conforme à la capacité d'encadrement des établissements et de leurs possibilités pédagogiques. Ainsi, dans le document issu de la réunion du Conseil des ministres, il n'était pas question que les étudiants-ingénieurs soient filtrés par le ministère de l'Enseignement supérieur et il n'était pas question de vérifier que les universités privées sont homologuées. Maintenant que les jeux sont faits, l'on se demande ce que vont faire les responsables des universités privées, surtout que la rentrée approche à grands pas. Le Pr Sadok Belaïd, président de l'Université libre de Tunis (Fondation Bouebdelli), confie à La Presse : «Avec ce ministre, on ne sait plus sur quel pied danser. Il est sous l'emprise du syndicat de l'enseignement supérieur dont les membres sont opposés à l'existence des universités privées. Aujourd'hui, l'avenir de nos entreprises est sérieusement menacé puisque avec ce communiqué, les étudiants étrangers qui constituent le gros de nos effectifs pourraient se rétracter et nous abandonner. Quant à nos partenaires étrangers, comment voulez-vous qu'ils poursuivent leur collaboration avec nos institutions ?». Une démarche claire de destruction De son côté, le Pr Mohamed Dammak, président de la Chambre syndicale des universités privées (relevant de l'Utica) et président de l'université Time, tempête : «C'est une démarche claire de destruction des établissements de notre secteur. Les décisions de Chiheb Bouden sont en contradiction totale avec les décisions du dernier Conseil des ministres tenu le 27 août dernier. Nous appelons à ce que ces décisions soient appliquées à la lettre et nous réaffirmons notre adhésion à ces décisions». Bousaïri Bouebdelli, initiateur de la fondation Bouebdelli qui s'est illustré ces derniers jours en appelant Chiheb Bouden à démissionner «pour incompétence», ne décolère pas. «Je me demande qui gouverne aujourd'hui en Tunisie. Comment se fait-il qu'un ministre prenne des décisions en contradiction avec celles prises par le Conseil des ministres ? Il est clair que le ministre poursuit sa fuite en avant soutenu par les syndicalistes de l'Enseignement supérieur qui lui dictent pratiquement ce qu'il doit faire», nous précise-t-il.