Nous sommes le 10 août 1715 : « Louis XIV était à Marly lorsqu'il se sentit attaqué par la maladie qui a terminé le plus long règne dont l'histoire de tous les temps et de toutes les nations ait jamais fait mention », écrivent-ils. Moins d'un mois plus tard, après une douloureuse agonie le Roi-Soleil s'éteignit en effet. Trois siècles plus tard, il faut revenir sur cette époque importante de l'histoire de France. D'autant que la République n'a jamais vraiment oublié la monarchie... Joël Cornette, grand spécialiste du XVIIe siècle, le rappelle dans son livre passionnant La mort de Louis XIV, apogée et crépuscule de la royauté, (Gallimard) Histoire d'un règne Nous pourrions d'emblée, à destination du lecteur pressé, et pour répondre à une sorte d'injonction contemporaine, résumer Louis XIV en quelques chiffres. Né en 1638, mort en 1715 à l'âge de 77 ans. 72 ans de règne dont 54 de règne personnel. Deux mariages ; avec la reine Marie-Thérèse puis avec Madame de Maintenon. Des favorites célèbres, Louise de la Vallière, Athénaïs de Mortemart-Rochechouart marquise de Montespan, Angélique de Fontanges et Madame de Maintenon. Vingt-deux enfants dont six légitimes. Evidemment, le livre de l'historien Joël Cornette, professeur à l'université Paris-VIII, publié quand la célèbre collection « Les journées qui ont fait la France », nous emmène beaucoup plus loin que ces données chiffrées. Si l'ouvrage s'intéresse au 1er septembre 1715, le jour de la mort du Roi, il est un ouvrage complet sur ce souverain qui aima Dieu son seul maître (au point d'exclure du royaume les protestants en révoquant l'édit de Nantes en 1685) et la guerre qui ruina son royaume pour mener ses combats. Entre 1701 et 1714, pendant la guerre de la Succession d'Espagne par exemple, 650 000 Français furent engagés dans les armées, dans un pays qui comptait alors quelque vingt millions d'âmes. Avec Louis XIV, écrit Joël Cornette, « la monarchie entra dans l'ère des déficits vertigineux malgré une surfiscalisation continue mais impuissante à répondre aux besoins ». Le roi le savait lui qui, au seuil de la mort dit à son arrière-petit fils, le futur Louis XV : « Ne m'imitez pas dans les guerres ». Sage conseil alors que, durant les années 1691-1693 et en 1708, le royaume fut en outre meurtri par des hivers particulièrement rigoureux et meurtriers ; le froid (-20 degrés), les pluies, des récoltes anéanties. Plus d'un million de morts. Le roi de la communication Mais Louis XIV ce ne fut pas que la guerre. Il fut, on le sait, le roi des arts, surtout au début de son règne. C'était le temps de la Fontaine, Racine, Molière Lully, Le Nôtre et la splendeur de Versailles... Il fut en outre, le roi de ce que l'on appelle aujourd'hui la communication. Un roi qui, selon le regard de l'auteur, fabriqua aussi sa grandeur. « Si l'on admet qu'un roi n'est vraiment roi que par le truchement des figures qui le "représentent", louis XIV fut certainement le souverain qui se prêta le mieux à ce jeu d'incarnation : son règne aura été bel et bien une fabrique d'images, de symboles, d'emblèmes et d'allégories », note Joël Cornette. Haut fonctionnaire Le «Roi Soleil», toujours en représentation devant la Cour rassemblée à Versailles (pour mieux la surveiller) fut aussi le bâtisseur d'une administration. Même s'il n'a jamais dit « l'Etat c'est moi », comme le prétend la légende, il fut, dès sa prise de pouvoir à la mort de Mazarin, le roi absolu, celui qui prend toutes les décisions après avoir écouté ces conseillers et ministres (Colbert, Louvois, Vauban notamment) dans ses différents conseils. Il a voulu « une totale maîtrise sur l'Etat, sur les institutions et les corps représentatifs (Etats provinciaux, assemblée du clergé, etc.) sur les personnes et sur les biens », souligne Joël Cornette qui, dans son ouvrage, met l'accent sur la manière de gouverner du souverain et la naissance en quelque sorte des hauts fonctionnaires, à la jonction de l'administration et de la politique. « Les ministres passent, les bureaux et leurs commis restent: entre féodalité et modernité, entre fidélité et technicité, le règne du Roi Soleil a inventé un modèle de fonctionnement gouvernemental dont la Ve République, au-delà de toutes les ruptures, même celle de la Révolution, est pleinement héritière »... Les énarques formeraient-ils une nouvelle noblesse de robe ? Héritière, cette république l'est aussi du phénomène de cour autour du président de la République que Maurice Duverger a qualifié un jour de monarque républicain. Evénement: On a retrouvé "À la recherche du temps perdu" ! Pour les passionnés, c'est un événement. Le manuscrit de Marcel Proust va être publié pour la première fois aux éditions des Saints Pères ! Avant de devenir l'un des plus grands écrivains du XXe siècle, Proust a d'abord été un jeune homme incertain, plein de doutes sur son talent littéraire, à qui Mme Strauss offre quatre petits carnets de chez Kirby en lui disant : « Ecrivez, mon ami, écrivez... » Ce qu'il fera de façon obsessionnelle, notant dans un premier temps ses impressions de lecture comme ses états d'âme. Très vite, il achètera d'autres carnets, qu'il recouvrira à leur tour de son écriture majestueuse. Dans la mythologie proustienne, ces cahiers occupent une place très particulière. Comme le signale Jean-Paul Enthoven dans la très belle préface qu'il consacre à cette édition, « c'est l'an I d'un chef-d'œuvre » ! Et c'est une part de ce trésor que les éditions des Saints Pères proposent aujourd'hui aux lecteurs. Dans son intégralité, le manuscrit de La Recherche est composé de dizaines de milliers de pages. De ce gigantesque chantier désordonné, trois cahiers ont été extraits, dans lesquels apparaissent les différentes étapes d'écriture de ce qui deviendra le passage le plus célèbre de l'univers proustien : l'épisode de la madeleine. « Dans la religion proustienne qui est aujourd'hui mondiale – il existe des traductions syrienne et arménienne ! – la relique la plus sainte, ce sont les carnets et les cahiers qu'il noircit entre 1905 et 1908, explique Enthoven. Il pose ici les pilotis sur lesquels il construira son oeuvre. On y trouve par exemple toutes les occurrences qui mèneront à la madeleine. » La biscotte est devenue madeleine ! Que découvre-t-on ? Tout d'abord, que Proust est laborieux. Il travaille, rature, revient en arrière, change des mots... Mais aussi que ce passage mythique était loin d'être une évidence pour lui. Avec le temps, le petit gâteau est devenu l'emblème de cette œuvre. Souvenez-vous : dans Du côté de chez Swann, le narrateur trempe sa madeleine dans son thé et soudain le souvenir du passé réapparaît, et le voilà ramené à Cambray chez sa tante Léonie... En parcourant ces magnifiques cahiers, reproduits à l'identique, on s'aperçoit que la madeleine a d'abord été un bout de pain grillé ! Stupéfiante généalogie littéraire ! Avant que Proust ne rature une fois de plus pour en faire... une petite biscotte. C'est évidemment avec émotion que l'on pénètre ainsi dans les coulisses de la création de l'un des plus grands chefs-d'œuvre de la littérature française... Ce coffret inédit enchantera les passionnés comme les collectionneurs... Mais vite, car le tirage numéroté de cette édition ne comptera que 1 000 exemplaires ! Parions qu'il se vendra comme des petites madeleines !