Une fois n'est pas coutume, une campagne de propreté et des travaux d'embellissement ont été entrepris depuis quelques jours un peu partout à Kasserine. Une initiative louable si ce n'est qu'elle coïncide pile poil avec la visite, que devrait effectuer ce samedi, le chef du gouvernement, Habib Essid dans la ville. Simple hasard du calendrier ou retour en force de la flagornerie politique qu'on croyait à jamais révolue ? Dans son long métrage « La télé arrive », Moncef Dhouib a pointé du doigt les pratiques serviles de responsables locaux à l'annonce de la visite officielle d'un politicien dans leur commune. Le réalisateur a en effet dressé un tableau drôle et moqueur, parfois acerbe mais tellement réaliste de l'attitude soumise et avilissante de certains face à l'omnipotence des régimes dictatoriaux. Il a ainsi mis en scène des citoyens lèche-bottes, rompus aux applaudissements à-tout-va et effectuant mille et une courbettes afin de donner bonne impression auprès de l'homme politique qui ne viendra finalement jamais. Pareilles pratiques, il y en a eu à la pelle sous Ben Ali mais depuis la fuite de l'ancien président et la tenue de différentes élections législatives et présidentielles en Tunisie, ces agissements ainsi que le culte de la personnalité semblaient disparus à jamais, du moins en apparence. Mais ce qui se passe depuis quelques jours à Kasserine jette de sérieux doutes sur cette certitude. Depuis trois jours, les travaux d'embellissement et d'assainissement vont en effet bon train dans la ville. Les bords des chaussées ont été retracés et peints en rouge et blancs. Le siège du gouvernorat, qui n'avait pas été repeint depuis la visite de Ben Ali il y a quelques années, arbore désormais des couleurs chatoyantes. Un camion à brosse est depuis quelques jours de sortie de son dépôt dans lequel il est à l'arrêt depuis près de trois ans, sillonne les routes pour les nettoyer. Tous les sacs poubelles et les détritus entassés ont été enlevés. Quelques terrains vagues ont été débroussaillés et nettoyés. On croit même savoir que de nouveaux palmiers seront plantés pour embellir les lieux. Que du beau travail ! Mais pourquoi maintenant? Est-ce seulement une coïncidence? Espérons que oui mais sinon, pourquoi faut-il toujours attendre la venue d'un officiel pour redonner son éclat aux villes tunisiennes ? Le cas de Kasserine n'est pas isolé et ce n'est pas la première fois, ni la dernière d'ailleurs, que des efforts colossaux sont déployés à l'annonce de la visite d'untel. Pourquoi ce privilège? Au pays de la démocratie naissante, tous les citoyens ne se valent-ils pas? Et puis à quoi bon cacher le vrai visage d'une ville alors qu'à l'époque des réseaux sociaux et de l'information instantanée, tout se sait et rien ne se cache. A trop vouloir camoufler les défauts et faire bonne figure, on déforme les vérités et on éveille les soupçons. Encore faut-il en avoir conscience !