L'examen des dispositions de la loi des Finances 2016 se poursuit sous l'hémicycle. Un débat houleux a marqué la plénière d'hier entre les députés partisans des partis au pouvoir et ceux de l'opposition. Les députés de l'opposition ont d'ailleurs suspendu leur participation dans les travaux de la plénière. Une cacophonie a suivi l'adoption des articles 56 et 61 de la loi de finances 2016. Il s'agit en effet, des articles portant amnistie fiscale et de changes. Des dispositions sujettes à équivoque notamment en ce qui concerne leur efficacité mais concernant surtout leur aboutissement pas trop « clean » selon les partis de l'opposition mais aussi certains observateurs et experts. A qui profiteront ces amnisties : à l'Etat ou aux hommes d'affaires malfrats ? Quel serait le gain fiscal ou les objectifs quantitatifs provenant de ces mesures ? Inutile de rappeler que la disposition portant amnistie fiscale a été proposée par Mohamed Fadhel Ben Omrane, président du Bloc parlementaire de Nidaa Tounes. Bien que la Tunisie n'est pas à sa première amnistie. Ben Ali en a décrété de 1987 à 2011 cinq amnisties. Après la Révolution, les amnisties se succèdent. « Mais dans quels intérêts », s'interrogent les uns ? Théoriquement : pour renflouer le trésor public, stimuler la croissance et réconcilier le contribuable avec l'administration fiscale. Dans la pratique, ce n'est surtout pas le cas, notamment en Tunisie avec une complexité de plus en plus accrue du système fiscal et un marché de changes qui nécessite une grande lessive. Impunité ou réconciliation ? L'article 61 du projet de loi des Finances 2016 amnistie les Tunisiens coupables des délits de change avant janvier 2016. L'article en question a été adopté avec 106 voix contre 16 abstentions et un fort refus de l'opposition. Une disposition qui stipule l'amnistie des infractions fiscales relatives à la non déclaration des biens à l'étranger et le non rapatriement des revenus issus de ces biens vers la Tunisie. Qu'est ce qu'on entend par délit de changes? Juridiquement, une infraction ou tentative d'infraction à la législation des changes et des mouvements de capitaux de et vers l'étranger est liée à une fausse déclaration, à un défaut de rapatriement des capitaux, défaut des autorisations requises.... Pour mieux étayer cette disposition un expert nous a expliqué : « Cela veut dire que les gens qui détiennent des comptes à l'étranger en devises, seront amnistiés de poursuites à la condition de restituer une partie à la Tunisie. Toutefois, allez cherchez et vérifier le montant réel des sommes à déclarer, l'efficacité des dispositions de contrôle et surtout les éventuelles récidives après janvier 2016 ». Et d'ajouter : « Il y a lieu de s'interroger sur les mobiles qui se cachent derrière ces dispositions qui font en réalité partie intégrante de la loi sur la réconciliation économique proposée par la présidence du gouvernement. Quelle partie, nos députés cherchent-ils à défendre. Les hommes d'affaires qui ont financé les campagnes électorales sont-ils pour quelque chose ? » Donc, pour résumer les Représentants du Peuple ont approuvé hier un article de loi qui favorisera selon ses détracteurs le blanchiment d'argent, l'évasion fiscale mais surtout l'impunité des « fripons » qui ont lésé les finances publiques et asséchés la richesse nationale, celle du peuple. En effet et en se référant à l'article 61, les délinquants fiscaux ou financiers, seront amnistiés sur les délits de change contre le versement de 5 % de la valeur globale des montants non déclarés. A ce titre il y a lieu de s'interroger : le ministère des Finances a-t-il sous-pesé la valeur des rentes émanant de cette disposition et la valeur des gains à encaisser ? Le ministre des Finances nie tout en bloc Défendant les dispositions des articles approuvés notamment l'article 61, « Slim Chaker, ministre des Finances a précisé que l'amnistie stipulée concerne l'argent dont l'origine est connue et considéré comme un acquis légal du fait qu'il provient de pays ayant des engagements internationaux dans ce domaine et transitant par la banque centrale de Tunisie (BCT) qui en contrôle la provenance », rapporte l'agence TAP. Pour sa part Mohamed Fadhel Ben Omrane, nie toute intention et se défend de blanchir la corruption et la fraude fiscale en affirmant que cette disposition vise à stimuler l'investissement et à réconforter les ressources budgétaires.