A l'occasion de la célébration du 60ème anniversaire de la création du ministère des Affaires étrangères, Béji Caïd Essebsi a réuni au Palais de Carthage différentes générations de diplomates et de ministres des Affaires étrangères, en présence du chef du gouvernement, de ses ministres, du président de l'Assemblée des représentants du peuple et de nombreux autres hôtes de marque. A l'honneur durant cette cérémonie commémorative de haut rang, la diplomatie tunisienne a fait l'objet d'une conférence donnée par le politicien Ahmed Ounaies. Ayant occupé le poste de ministre des Affaires étrangères durant un mois en 2011, en remplacement de Kamel Morjane, l'homme est reconnu à l'international pour ses talents de diplomate et ses analyses pertinentes. Lors de son allocution, M. Ounaies est revenu sur la création du ministère des Affaires étrangères et sur les temps forts de la diplomatie tunisienne, puisant sa force de la souveraineté de l'Etat et bâtissant ses principes sur des valeurs universelles du respect des Droits de l'Homme et de la dignité humaine, citant au passage le nom de certains ambassadeurs, consuls généraux et ministres des Affaires étrangères ayant marqué de leur empreinte l'Histoire de la Tunisie et hissé, haut, ses couleurs à l'étranger. A cette occasion, l'ancien ambassadeur a incité ses homologues à écrire leurs mémoires afin de ressusciter une partie de l'historique de la diplomatie tunisienne et de la préserver de l'oubli. Par ailleurs, il a annoncé la décision de l'institution diplomatique de préparer incessamment un document relatant l'histoire de la politique étrangère en Tunisie. Prémices d'une réconciliation ? Mais le fait saillant qui a marqué cette cérémonie a été, à la grande surprise de tous, la présence d'anciennes figures du régime Ben Ali qui ont été conviées à cet événement commémoratif, à l'instar de Abdelwahab Abdallah, Abderrahim Zouari, Hédi Baccouche, Mohamed Ali Ganzoui, Slah Maaoui, ou encore Chedly Neffati, Salah Baccari, Ahamed Friâa et bien d'autres encore. Hommes forts de l'ancien régime, leurs noms prêtaient après la révolution à la controverse et suscitaient la grogne du peuple. Mais si jusqu'ici, ils étaient boudés et mis à l'écart de toute activité officielle de haut rang, le président de la République en a décidé autrement en les conviant au 60ème anniversaire de la diplomatie tunisienne et en faisant même allusion, à mots couverts, de leur présence lors de son allocution de bienvenue. A ce sujet, le président Caïd Essebsi a déclaré : « Voici la Tunisie que nous aimons ! », avant d'ajouter que le pays était reconnaissant à tous ses enfants ayant servi la diplomatie au fil des années, ses enfants qui, « à un moment de leur carrière, ont porté haut les couleurs de la Tunisie. » L'invitation des anciens hommes forts de Ben Ali à cette cérémonie n'est pas fortuite ni anodine. Elle augurerait, selon l'avis unanime des politologues et des experts en diplomatie, d'une réconciliation nationale à large échelle qui engloberait les anciens officiels, les proches du clan Ben Ali et les hommes d'affaires. Ne coïncide-t-elle pas d'ailleurs avec la signature d'un accord d'arbitrage et de réconciliation conclu entre Slim Chiboub et l'Instance de la Vérité et de la Dignité mais aussi avec le retour en force d'anciens responsables politiques du régime Ben Ali ? Assiste-t-on à un remake du « Grand Pardon » à l'issue duquel chacun sera lavé de ses « pêchés » ? Assiste-t-on, alors que le peuple est englué dans ses soucis quotidiens, traînant à ses pieds le boulet de décennies de dictature et de tyrannie, à une renaissance des « forces vives » de Ben Ali ? Les jours à venir apporteront peut-être un début de réponse...