L'absence des Etats Unis d'Amérique à la cérémonie de commémoration du premier anniversaire de la révolution du 14 janvier n'est pas passée inaperçue. En effet, l'Oncle Sam n'a été représenté à aucun niveau gouvernemental ou parlementaire officiel, contrairement à ses habitudes et aux traditions américaines qui affectionnent ces ambiances feutrées et veulent que les Etats Unis soient présents à toute réussite d'expérience démocratique pour en revendiquer la paternité. Les américains ne se proclament-ils par champions de la démocratie et se croient investis par la mission de diffuser « la Démocratie » à travers le monde même s'il faut recourir à la force pour imposer des régimes honnis par leurs peuples. En réalité, personne ne peut se leurrer et les observateurs font remarquer que l'histoire de la diplomatie américaine est riche d'expériences ayant conduit les Etats Unis au nom des principes sacro-saints de la démocratie de s'ingérer dans les affaires internes des pays et d'installer des régimes fantoches pour servir leurs intérêts. L'Irak, l'Afghanistan et de nombreux pays d'Amérique Latine à l'instar du Chili et de la Colombie pour n'en citer que ceux-là et surtout le Vietnam ont vu les Etats Unis s'immiscer dans leurs affaires internes et intervenir militairement au nom de causes dont les motivations ne sont pas toujours convaincantes comme la lutte contre le terrorisme ou les stupéfiants. Ainsi, cette absence remarquée a suscité des interrogations au sein de l'opinion publique tunisienne qui s'est interrogée sur les véritables raisons qui ont conduit l'administration du président Obama à snober la commémoration de la révolution du « Jasmin » qui a entraîné dans son sillage le soulèvement des peuples dans plusieurs pays du monde arabe inaugurant une ère du « Printemps arabe ». Pour de nombreux analystes cette attitude traduit un certain mécontentement de Washington à l'égard des nouvelles autorités de Tunis. Ces mêmes analystes expliquent que l'accueil en grande pompe réservé au Premier ministre du gouvernement démissionnaire palestinien, Ismaël Haniyeh du Mouvement Hamas d'obédience islamiste, n'a pas manqué de provoquer le courroux des Etats Unis. Principal allié d'Israël dans la région, les Etats Unis ont, dès la victoire du parti Hamas aux élections législatives en Palestine l'habilitant à former un gouvernement, décidé de le boycotter. Taxant le Hamas palestinien de « mouvement terroriste », ils ont décidé d'arrêter toute aide au gouvernement dirigé par ce parti islamiste provoquant son isolation sur la scène locale et internationale ce qui a conduit à une scission au sein des territoires occupés. La bande de Gaza est sous la gestion du Hamas et la Cisjordanie sous l'autorité du Fateh au grand bonheur d'Israël qui a depuis lors exercé un blocus hermétique sur Gaza où vivent plus d'1 million et demi d'individus. D'ailleurs, il faut reconnaître que cette visite n'a pas dérangé uniquement les américains mais a fait aussi grincer les dents de l'Autorité Palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas. Autre hypothèse qui aurait pu influer sur la présence des américains à la cérémonie, c'est le désaveu du public tunisien à l'égard des Etats Unis, ainsi à la veille du 14 janvier des manifestants ont scandé des slogans antiaméricains. Ce même désaveu est nourri à l'égard du Qatar et pourtant cela ne l'a pas dissuadé de venir prendre part à ces festivités commémoratives représentées par l'Emir et son épouse. En ce qui concerne les Etats Unis cette thèse est la plus plausible car ils ont dès le début soutenu la révolution et avant le déclanchement de la révolution, les câbles diplomatiques révélés par le site Wikileaks annonçaient que le régime de Ben Ali usait de méthodes « quasi mafieuses ». Au plus fort de la répression du régime policier de Ben Ali alors que la révolution atteignait son paroxysme dans le pays, les Etats Unis ont convoqué l'ambassadeur tunisien à Washington pour lui transmettre les protestations de l'administration Obama. Ce seront d'ailleurs les seules actions visibles de l'Oncle Sam en faveur de la révolution tunisienne. Toutefois , il faut reconnaître que les Etats Unis ne sont pas les seuls à bouder la commémoration du premier anniversaire de la révolution du 14 janvier en Tunisie, ainsi la France, ancienne puissance coloniale et premier partenaire économique du pays n'a été représentée que par Renaud Muselier, actuel député de la 5e circonscription des Bouches-du-Rhône, Président du Haut Conseil de l'Institut du monde arabe (IMA) et ancien Secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, sous l'ancien premier ministre JP Raffarin . Ce choix semble délibéré et montre que là aussi Paris a des griefs contre Tunis. Cette fois, ce n'est pas une sortie diplomatique inopinée et mal calculée du gouvernement de Hamadi Jebali mais il faut se tourner du côté du palais de Carthage dont l'hôte, le président Moncef Marzouki, a fait une sortie médiatique musclée contre les français, les accusant de ne rien comprendre à l'Islam et de s'être plantés sur ce sujet. Les français qui ont accueilli le président Marzouki lors de son exil ne semblent guère avoir apprécié cette sortie présidentielle. Il faut noter aussi que ni l'Italie, ni l'Allemagne, ni l'Espagne qui ont promis de soutenir et d'accompagner la Tunisie n'ont daigné faire le déplacement de Tunis. En tout cas, quelles que soient les raisons de l'absence des Etats Unis et du faible niveau de représentation de la France lors de la cérémonie de commémoration de la révolution du 14 janvier, l'important est que la Tunisie place au-dessus de toute autre considération son indépendance et sa souveraineté ainsi que l'intérêt de son peuple.