Chaque année, à l'approche du mois de Ramadan, nutritionnistes et experts de l'Institut national de la consommation tirent la sonnette d'alarme face à un phénomène récurrent et déroutant, à savoir la surconsommation et le gaspillage alimentaire par les familles tunisiennes. En effet, chaque année, la fièvre acheteuse s'empare des ménages et atteint son pic deux à trois jours avant le début du Ramadan. Le scénario est immuable: marchés, petits commerces et grandes surfaces sont bondés de monde et c'est à qui achètera le plus de provisions et dépensera le plus d'argent. Des aliments qui seront en partie consommés et près d'un tiers jeté à la poubelle comme le dévoile l'Institut national de la consommation (INC). L'occasion pour la société civile de se mobiliser et de lancer des campagnes d'information afin de sensibiliser les Tunisiens et les inciter à une consommation plus raisonnable et raisonnée. S'il laisse à désirer durant toute l'année avec une consommation recrudescente de sucre et de gras, le comportement alimentaire de la majorité des Tunisiens devient carrément alarmant tout au long de Ramadan. Selon l'INC, on enregistre, effectivement, durant ce mois une hausse de 35% dans la consommation de pain, notamment des baguettes et ce gaspillage coûterait aux caisses de l'Etat la bagatelle de 300 mille dinars par jour. Par ailleurs, la consommation de sucreries augmente également de 60%, celle de viande ovine de 24% et enfin celle de viande blanche de plus de 40%. Pour le thon et les sardines en conserve, leur consommation atteint des sommets durant le mois saint et enregistrent une hausse de 420% par rapport à la normale. On apprend également que pendant le Ramadan, le citoyen consomme en moyenne 36 œufs contre 14 en temps normal. Les produits laitiers ne sont pas en reste puisque le Tunisien boit 9 litres de lait durant ce mois contre 7 litres en temps normal et y mange 17 yaourts contre 7 seulement en temps normal. Quant aux fameux briks, incontournables durant ce mois et généralement consommés frits, la consommation de feuilles de brik communément appelées « malsouka », augmente de 80% durant ce mois. La société civile sensibilise Parmi ceux qui s'insurgent contre cette surconsommation inconsciente et la dénoncent de manière ludique, l'Association environnementale ZeroWasteTunisia, créée en 2015. Dimanche dernier, à la veille du mois de Ramadan et à l'occasion de la Journée mondiale de l'environnement, célébrée en Tunisie comme ailleurs le 5 juin, l'Association a lancé une campagne de sensibilisation incitant les Tunisiens à une consommation plus responsable et plus modérée. Intitulée « Matfaratch », cette campagne s'appuie sur des visuels avec des slogans évocateurs tels que « Le tiers de nos plats part à la poubelle. N'achetons pas en masse. Ne cuisinons pas en masse. Soyons responsables. » Pour la présidente, Insaf Ben Rehouma, ingénieur environnement-hydraulique, ce gaspillage alimentaire est tout simplement « révoltant ». Elle ajoute : « Ce n'est pas normal qu'une famille de 3 personnes achète quotidiennement 5 baguettes. Ce n'est pas normal d'acheter des tonnes de sucreries, de fruits et de légumes qui finiront dans la poubelle alors que ce mois, basé sur le jeûne, est censé rééquilibrer le régime alimentaire des Musulmans. Nous voulons inciter les Tunisiens à n'acheter que les produits qu'ils sont sûrs de consommer.»