L'Institut national de la consommation (INC) lance, prochainement, une stratégie nationale de lutte contre le gaspillage du pain qui engendre une perte de 300 mille dinars quotidiennement, et de plus de 100 millions de dinars par an. La lutte contre le gaspillage du pain est le nouveau cheval de bataille de l'Institut national de la consommation. Ce programme s'inscrit donc dans le cadre du démarrage du dialogue économique et de l'effort national de réforme de la Caisse générale de compensation. Les poubelles des quartiers des grandes villes débordent de sacs pleins de pain rassis ou même frais. Face à ce phénomène qui prend des proportions inquiétantes, l'INC se propose de mettre en place un programme d'action visant la rationalisation de la consommation du pain. Le gaspillage de cette denrée représente environ 100 millions de dinars par an, autant d'argent jeté par la fenêtre. La valeur du gaspillage est estimée entre 700 mille et 900 mille pains par jour. Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), le taux de gaspillage au niveau des boulangeries équivaut à 900 mille quintaux par an, soit 20 à 25% pour le gros pain et 10 à 15% pour la baguette. «Le gaspillage du pain est dû à l'acquisition de quantités dépassant les besoins réels de la consommation aussi bien par les ménages que par les hôtels, les hôpitaux et les restaurants universitaires, outre l'absence de maîtrise des méthodes adéquates de conservation du pain. Le gaspillage augmente encore durant le mois de Ramadan», déplore Fadhila Rebhi Ben Hamza, directrice de l'assistance technique et des relations avec les organisations et les structures concernées par la consommation à l'INC. «Ce qui coûte à l'Etat entre 30 et 40 millions de dinars (MD) annuellement», ajoute-t-elle. Ce gaspillage à grande échelle nuit non seulement aux bourses des ménages mais aussi à l'économie nationale, sachant que la farine destinée à la confection du pain est subventionnée. D'après une enquête datant de 2010, la production de pain s'élève à 6,4 millions de pains par jour alors que la consommation n'est que de 5,4 millions/jour. Il y a lieu de noter qu'il existe 3.000 boulangeries en Tunisie ce qui est «énorme» d'après notre interlocutrice. Une stratégie à plusieurs niveaux Pour lutter contre ce gaspillage et la surconsommation de pain, un comité de pilotage réunissant des représentants de l'INC avec la participation des ministères concernés, des représentants du secteur privé, de la société civile et des médias a mis à l'étude une stratégie qui portera sur le renforcement de la sensibilisation à l'importance de rationaliser la consommation du pain, de bien le conserver et d'encourager la production du pain à base de blé, en faisant connaître les avantages nutritifs de ce produit notamment, en matière de prévention de l'obésité. Il s'agit également de la dynamisation de la recherche pour l'utilisation de cette matière dans la préparation des plats alimentaires. Cette stratégie prévoit également plusieurs actions de sensibilisation tous azimuts qui toucheraient les institutions de l'Etat à l'instar des établissements scolaires. Il serait envisagé d'imprimer sur la quatrième couverture des livres scolaires des messages de sensibilisation et d'organiser des concours de dessins et d'écriture assortis de prix. Concernant le secteur de la culture, il est prévu des expositions, des créations théâtrales et des spots de sensibilisation pour éviter le gaspillage du pain. Le sport et la jeunesse sont aussi visés par cette campagne. Affiches et cercles de rencontres permettront aux jeunes scouts de prendre conscience de la valeur du pain. Les transports seront concernés par l'affichage dans les trains, les métros et les bus. L'aspect religieux est également pris en compte. Outre l'affichage dans les mosquées, et les émissions religieuses à la télévision, les imams sont appelés à aborder dans leur prêche du vendredi ce sujet épineux du gaspillage du pain et son impact sur le budget de l'Etat. Pour ce qui est de la société civile, les associations devront conscientiser les citoyens par le biais des réseaux sociaux, les sms ainsi que des flyers à cette opération. L'Etat doit donner l'exemple «Il revient aux institutions publiques de donner l'exemple et de prendre l'initiative de l'utilisation du blé dans la fabrication du pain et l'utilisation des restes de pain dans les restaurants universitaires, l'organisation de manifestations culinaires dans les différentes régions du pays au cours desquelles les plats présentés seront réalisés à partir de pain rassis et, enfin, multiplier les opérations de contrôle auprès des éleveurs qui utilisent les restes de pain comme fourrage pour les bêtes», précise la représentante de l'INC. Les objectifs de cette campagne consistent à faire prendre conscience aux citoyens des répercussions néfastes des abus de consommation notamment du pain et ce, en achetant la quantité nécessaire et en adoptant les moyens appropriés pout sa conservation et sa réutilisation. La rationalisation de la consommation du pain contribue au développement économique du pays car l'argent ainsi épargné pourrait servir à la création de l'emploi et à l'amélioration des infrastructures de base. «Un sac de 100 kg de restes de pain est vendu à 16 DT ce qui équivaut à 40 mille CVP par an», note Fadhila Rebhi Ben Hamza. Le gaspillage du pain n'est pas propre à notre pays. Une étude de la FAO (Organisation internationale de l'alimentation) souligne que le gaspillage de nourriture, notamment le pain, à l'échelle mondiale, est estimé à 1,3 milliard de tonnes par an. En Tunisie, les observateurs ont relevé que parmi les causes principales de ce phénomène figurent le manque d'identification de moyens de recyclage du pain surtout dans le domaine culinaire et l'excédent enregistré au niveau de la production par rapport aux besoins de la consommation.