Le procès, public, aura duré deux jours. Au box des accusés, Thierry Darantière, cinquantenaire, détenu depuis le 25 mai 2012 à la prison de Fleury Merogis. Accusé d'avoir violé plus d'une soixantaine de jeunes garçons âgés entre 6 et 17 ans et de leur avoir fait subir de cruels supplices lors de ses multiples voyages à l'étranger, plus précisément en Tunisie, en Egypte et au Sri Lanka. Ce prédateur sexuel a comparu devant la cour d'assises des Yvelines à Versailles. Le procès a été clôturé mercredi 22 juin courant par un verdict prononcé, en fin d'après-midi d'hier condamnant l'accusé à 16 ans de prison, sachant que l'avocat général avait requis 18 ans. Lors de son audition, Thierry Darantière s'est dit horrifié par le chiffre de «66 petites victimes» qu'on lui attribue. Pourtant, cet ancien directeur de la maison de retraite des Yvelines, pédophile de longue date et adepte de la cyber pédopornographie,a bien fait subir un vrai calvaire à 41 jeunes garçons tunisiens, 19 sri-lankais et 6 égyptiens entre 2002 et 2011. Il avouera ses crimes au premier jour du procès et dévoilera que tout a commencé en Tunisie par de simples attouchements. «C'était un parcours initiatique», dira-t-il avant d'expliquer qu'en se baladant le long de la plage, il était fréquemment abordé par de jeunes garçons dont il ignorait l'âge. Il insistera à dire que c'étaient eux qui l'abordaient et non le contraire et qu'ils ne montraient aucune résistance. Il déclarera : « Cette facilité me surprenait. » Et d'ajouter que les mineurs tunisiens qui se prostituaient le fascinaient. Après le Tsunami de 2004, il se rendra au Sri Lanka sous couvert de missions humanitaires et en profitera pour approcher de jeunes garçons et leur faire subir les pires sévices en contrepartie d'une somme d'argent, entre 3 et 9 euros, de chaussures neuves, d'une coupe de cheveux, de fournitures scolaires ou encore de la nourriture. Il séjournera également en Egypte à trois reprises et y violera six garçons. Sur son ordinateur, les enquêteurs découvriront des milliers de fichiers stockés dans 9 disques durs, dont des photos et des vidéos montrant ses jeunes victimes à qui il a imposé, selon l'enquête, des «jeux sexuels allant jusqu'au viol». Des sévices qui augmenteront en cruauté d'année en année et qu'un commissaire auditionné qualifiera d'actes de torture. Le président de la cour d'assises évoquera, quant à lui, « un niveau de détails inracontables des sévices sexuels sur les enfants ». Détail sordide, dévoilé également par le président, l'accusé diffusait toujours la musique des « Enfoirés » lors des viols. La Tunisie et l'Egypte pointées du doigt C'est grâce au FBI que ce bourreau pédophile a été démasqué, notamment à travers sa filature sur les réseaux sociaux. Le service de renseignements américain s'était en effet alarmé en 2011du transfert en masse de fichiers pédophiles sur internet. Les investigations ont permis d'établir une connexion entre ces transferts et l'adresse IP du domicile de Thierry Darantière mais aussi celle de son bureau à la maison de retraite des Yvelines où il occupait le poste de directeur. Se cachant derrière le pseudonyme « Marie Manoir », il échangeait des fichiers pédopornographiques sur la toile. En parallèle, il tenait un tableau répertoriant les noms et les photos des mineurs ainsi que les actes sexuels qu'il leur a fait imposer. Procédant à son interpellation en 2012, les autorités françaises ont continué leurs recherches afin, notamment, d'identifier les victimes de Darantière. Mais cette mission n'a pu être menée qu'en partie et pour cause ! Si le Sri Lanka a coopéré à tous les niveaux pour permettre l'aboutissement de l'enquête, la Tunisie et l'Egypte n'ont pas répondu aux demandes d'entraide judiciaire internationale. Me Frédéric Champagne, avocat de l'accusé, le rappellera d'ailleurs durant le procès et dira: « Possible de travailler avec le Sri Lanka, pas avec la Tunisie etl'Egypte qui ont refusé d'aider à l'identification des victimes. » Des propos confirmés par le commissaire auditionné qui affirmera: «Sur la prostitution des mineurs, la coopération policière est moins bonne avec les pays du Maghreb qu'en Asie du Sud-Est. » Au cours de sa plaidoirie, l'avocat parisien Emmanuel Daoud, représentant juridique de l'association ECPAT France (End Child Prostitution and Trafficking) qui s'est constituée partie civile dans cette affaire, assènera un énième coup à la Tunisie en s'exclamant : « Il [Darantière] va violer en Tunisie, en Egypte et au Sri Lanka. Pas au Japon! Ce n'est pas le fruit du hasard ! » Intervenant sur les ondes de Mosaïque Fm à propos du manque de coopération de la partie tunisienne, Samira Meraï, ministre de la Femme, de la Famille et de l'Enfance, a déclaré qu'une commission avait été mise en place, travaillant en collaboration avec les ministères de l'Intérieur et des Affaires sociales, pour suivre de près cette affaire et qu'elle ne pouvait, donc, pas actuellement prendre position jusqu'à en comprendre tous les tenants et aboutissants. Un fléau qui sévit un peu partout Selon les experts, cette sordide affaire portera indéniablement préjudice à l'engagement humanitaire de la France dans le monde. Mais elle aura eu le mérite de stopper net les vils desseins de ce pédophile et de braquer de nouveau les projecteurs sur le tourisme sexuel et ses dangers, troisième commerce illégal dans le monde, bien que l'avocat général ait estimé au cours du procès que cette expression était maladroite, déclarant à ce propos : « Ces crimes et ces viols n'ont rien à voir avec le tourisme. ». Selon l'Association ECPAT qui dispose d'antennes dans 82 pays, près de 10% des touristes dans le monde choisissent leur destination en fonction de l'offre qui s'y trouve en matière de sexe. De même, le dixième des touristes qui ont visité le continent africain au cours des 5 dernières années se sont adonnés au tourisme sexuel. Parmi les pays africains les plus concernés par ce fléau, la Gambie, le Sénégal, le Kenya, Madagascar, l'Afrique du Sud, le Maroc, la Tunisie et l'Egypte. L'ECPAT considère que la principale difficulté dans la lutte contre ce fléau réside dans le silence qui l'entoure et la cécité, parfois volontaire et d'autres fois involontaire, des autorités de ces pays face à ce dangereux phénomène qui guette notamment les enfants.