Réunie jeudi soir à Hammamet, la Commission administrative de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) a décidé de tenir le 23ème congrès de l'organisation du 22 au 25 janvier 2017 à Tunis. Cette date coïncidera avec la célébration du 71ème anniversaire de la centrale syndicale qui imprime de plus en plus sa marque sur la vie politique et sociale en Tunisie. Outre la discussion et l'adoption des motions qui termineront les priorités de l'UGTT durant les cinq années à venir, le congrès sera l'occasion d'élire une nouvelle direction. Dans ce cadre, une succession à la tête de l'organisation est prévue. D'autant plus que l'actuel secrétaire général, Houcine Abbassi, n'a plus le droit, tout comme deux autres membres du Bureau exécutif national (Belgacem Ayari et Mouldi Jendoubi), de briguer un nouveau mandat conformément à l'article 10 du règlement intérieur, qui limite le nombre des mandats successifs des membres du Bureau exécutif à deux seulement. Cet article adopté lors du congrès extraordinaire de Djerba (février 2002), dans le sillage d'un tournant démocratique censé rompre avec les pratiques monocratiques de l'ère de l'ancien secrétaire général Ismaïl Sahbani, avait été déjà appliqué lors du congrès de Tabarka, quand neuf membres du Bureau exécutif dont l'ex-secrétaire générale Abdessalem Jerad avaient été contraints de passer le flambeau à une nouvelle génération de syndicaliste. La succession de Houcine Abbassi suscite déjà les convoitises à la Place Mohamed Ali. Plusieurs prétendants au poste de secrétaire générale de la puissante centrale syndicale se sont en effet lancés depuis plusieurs mois dans des campagnes électorales avant l'heure. Certains ont choisi de se placer sous les feux de la rampe médiatique en intensifiant leur présence sur les plateaux de télévisions et les ondes de stations radio. D'autres ont misé sur un syndicalisme combatif en actionnant le levier des grèves et des rassemblements de protestation pour gagner la sympathie des bases et se mettre ainsi sur orbite. Plusieurs noms de successeurs potentiels de Houcine Abbassi circulent déjà dans les coulisses. Dans ce cadre, l'actuel secrétaire général adjoint chargé du règlement intérieur, Noureddine Tabboubi, semble avoir les faveurs de pronostics. Celui-ci peut notamment compter sur poids électoral de l'Union régionale du Travail de Tunis dont il était le secrétaire général. Sa proximité présumée avec le mouvement islamiste Ennahdha pourrait cependant ne pas jouer en sa faveur, la centrale syndicale étant traditionnellement dominée par la gauche. Deux autres actuels secrétaires généraux adjoints pourraient aussi accéder au rang de numéro un de l'UGTT. Il s'agit de Bouali M'barki (secrétaire général adjoint chargé des finances et de l'administration), qui est apprécié pour son passé militant et ses qualités de bon négociateur, et de Samir Cheffi (secrétaire général adjoint de la femme, de la jeunesse et des associations), lequel pourrait compter sur ses talents d'orateur et de l'appui de la région de Sfax dont il est originaire. Selon certaines sources, Lassaâd Yaâcoubi, l'actuel secrétaire général du syndicat de l'enseignement secondaire qui a multiplié les grèves et les actions de protestation durant l'année scolaire écoulée, convoite, lui aussi, le poste de secrétaire général de l'organisation ouvrière. Au-delà du volet électoral, le 23ème congrès de l'UGTT sera un événement de portée nationale dans la mesure où la centrale syndicale est un acteur incontournable de la scène politique tunisienne. L'organisation fondée le 20 janvier 1946 par le leader syndicaliste Farhat Hached, a joué un rôle important dans la lutte pour l'indépendance, avant de former une coalition électorale avec le Néo-Destour dans le cadre d'un «Front national» regroupe aussi l'UTICA (patronat) et l'UNA (Union nationale des agriculteurs) pour rafler la totalité des sièges à l'Assemblée constituante chargée d'instituer la première République. Plusieurs personnalités issues de l'UGTT sont ainsi devenues ministres. Sous le règne de Bourguiba, le syndicat historique a oscillé entre soumission au parti-Etat et velléités d'indépendance. Après l'accession de Ben Ali au pouvoir, la direction de l'UGTT s'est progressivement inféodée au pouvoir. Cette tendance s'est poursuivi jusqu'aux derniers jours avant la fuite de Ben Ali. Au début des manifestations contre le chômage et la marginalisation à Sidi Bouzid, l'organisation avait soutenu timidement le mouvement avant d'appeler, sous la pression de ses cadres radicaux, à des grèves générales très suivies à Sfax le 12 janvier 2011 et à Tunis. Ces grèves générales qui ont précipité la chute de Ben Ali, ont redoré le blason terni de la centrale syndicale qui a joué un rôle très important dans la résolution de la crise politique ayant éclaté après l'assassinat des leaders de gauche Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi.