Les citoyennes tunisiennes seront-elles prochainement libres de choisir leurs compagnons et d'épouser des non-musulmans? Le débat fait de nouveau rage et suscite moult réactions, entre ceux qui approuvent et appellent à une liberté totale sans restriction dans le choix du partenaire de vie et ceux qui refusent, évoquant des motifs religieux. Le forcing exercé par une partie de la société civile inversera-t-il la donne et fera-t-il changer les choses ? A l'occasion de la célébration de la Journée nationale de la femme tunisienne, l'Association tunisienne de soutien des minorités (ATSM) a organisé une rencontre-débat portant sur le thème « Les droits de la femme tunisienne entre la prédominance de la religion et les acquis constitutionnels ». A cette occasion, l'Association a lancé un appel aux autorités afin de laisser libre choix à chaque citoyenne de s'unir avec l'homme qu'elle a choisi, indépendamment de ses origines ou de sa religion. Datant du 5 novembre 1973, cette circulaire interdit en effet aux Tunisiennes musulmanes d'épouser un non-musulman. Elle prend ses sources d'un précepte de la religion musulmane édicté dans le Coran dans le verset Al-Baqara. L'Islam n'interdit toutefois pas à un musulman d'épouser une non-musulmane, tant qu'elle soit de religion monothéiste. L'expression «gens du Livre» est citée à cet effet. Ce concept est justement à l'origine de l'ire des organisations féministes et celles de défense des Droits de l'Homme qui estiment que les citoyens, hommes et femmes, sont égaux en droits et devoirs et totalement libres de choisir leurs compagnons de vie. Rejointe par d'autres organisations, partie prenante de la société civile tunisienne dont l'Association des Tunisiens en France, l'Association tunisienne des femmes démocrates, Beity, le Comité pour le respect des libertés et des droits de l'Homme en Tunisie, la Ligue des électrices tunisiennes ou encore la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme, l'ATSM refuse ce consensus général, religieusement hermétique, qui interdit formellement le mariage d'une musulmane avec un non-musulman, quelle que soit sa religion jusqu'à ce qu'il se convertisse à l'Islam et en apporte les preuves. En Tunisie, il est stipulé que « le non-musulman qui veut épouser une Tunisienne doit obligatoirement se convertir à l'Islam et la conversion doit se faire devant le mufti de la République tunisienne, l'autorité compétente. » L'acte de conversion consiste à prononcer, devant témoin, la profession de foi ainsi que sourate « Al Fatiha » en plus d'exécuter une courte prière et de répondre à quelques questions relatives à la religion musulmane. Lors de la conférence de presse organisée, plusieurs cas de mariages contractés à l'étranger et non reconnus par la justice tunisienne ont été évoqués. En effet, beaucoup de Tunisiennes sont encore confrontées à l'impossibilité de transcrire leurs mariages à l'état civil tunisien à cause de cette circulaire. Le collectif prônant l'abrogation de la circulaire estime donc que ce texte de loi est anticonstitutionnel, discriminatoire vis-à-vis de la femme tunisienne et contraire aux textes internationaux des droits de l'Homme ratifiés par la Tunisie. Il nuirait, d'après leurs déclarations, à la liberté de croyance, de conscience et d'exercice de culte ainsi qu'aux droits acquis des femmes.