Pendant que le président de la République, Béji Caïd Essebsi, et le président de l'Assemblée des représentants du peuple, Mohamed Ennaceur, s'entretenaient au palais de Carthage à propos de la séance plénière du Parlement consacrée au vote de confiance au nouveau gouvernement, Youssef Chahed a enchaîné les rencontres avec les représentants des partis politiques ayant exprimé leur réticence quant à la formation de la nouvelle équipe gouvernementale. A l'issue d'une rencontre de plus de trois heures avec le chef du gouvernement désigné, le président du bloc parlementaire de Nidaa Tounes, Sofiene Toubel, a assuré qu'il n'y a eu aucune démission au sein de son mouvement. Quelques minutes plus tard, la députée du même bloc, Khansa Harrath, a annoncé, publiquement, sa démission du bloc parlementaire et du mouvement. Joint par téléphone, l'un des députés de Nidaa Tounes nous a expliqué qu'étant donné que le comité politique du Nidaa ne s'est pas encore définitivement prononcé, il serait préférable que les déclarations soient reportées. De son côté, le président de l'Union patriotique libre (UPL) Slim Riahi, a tenu une conférence de presse au cours de laquelle il a annoncé que le bloc parlementaire de son parti ne votera en faveur de la nouvelle équipe gouvernementale que si jamais cette dernière est révisée avant son passage devant la plénière du vendredi. Pour le ministre des Domaines de l'Etat au sein du gouvernement d'Habib Essid et dirigeant au sein de l'UPL, la meilleure solution reste de soutenir le gouvernement de Youssef Chahed et ce indépendamment de la participation. Au vu de la poursuite des négociations, la question du remaniement est devenue de plus en plus envisageable. Questionné sur la problématique, le député du mouvement d'Ennahdha et rapporteur général de la Constitution au sein de l'Assemblée nationale constituante, Habib Khedher, a expliqué qu'une fois la composition présentée au chef de l'Etat, il n'est plus possible pour le chef du gouvernement de la changer. Selon l'intéressé, le rôle de Youssef Chahed s'arrête, selon la Constitution, au moment où la liste gouvernementale est présentée au président de la République. Contredisant cette analyse, la professeure en Droit constitutionnel, Salsabil Klibi, a assuré que Youssef Chahed peut, constitutionnellement, apporter des modifications à sa liste et ce avant de présenter son gouvernement à la plénière parlementaire. Professeure Klibi, a en effet expliqué que seul le vote du Parlement accorde la qualité de gouvernement pour la nouvelle équipe. Et d'ajouter que Youssef Chahed est actuellement chef du gouvernement désigné et qu'il ne sera chef du gouvernement qu'une fois le vote au sein de l'ARP est fait. Loin des lectures constitutionnelles et techniques, un éventuel remaniement ministériel avant la plénière parlementaire donnera un très mauvais message sur le plan politique: durant la période de négociations, Youssef Chahed a manifesté, à plusieurs reprises, sa ferme intention de ne se soumettre à aucune pression. Or s'il décide aujourd'hui de suivre les requêtes des différents acteurs politiques, il en perdra en légitimité. Quand les partis politiques étaient occupés à rédiger le pacte de Carthage, ils avaient tous assuré vouloir gagner du temps afin de préserver la stabilité politique et économique du pays. Aujourd'hui, certains d'entre eux nous donnent l'impression de mener des batailles à des fins purement personnelles. En attendant, Youssef Chahed devra réussir à calmer tout le monde avant la date cruciale du 26 août.