Derrière leurs confidences touchantes, drôles ou affreusement tragiques, deux femmes se dessinent progressivement les traits d'une société où les violences politique, religieuse, sociale et sexuelle s'allient entre elles, pour transformer le quotidien en douleur, culpabilité et désespoir. Mais c'est justement face au désespoir que ces deux femmes vont faire front. Zina et Aziza, deux femmes d'un certain âge souffrent de l‘ennui et de la routine du quotidien. Ces deux femmes ont choisi de s'occuper, à titre bénévole, de la laverie de la maison de retraite avec l'espoir de rendre leur vie moins monotone et plus agréable. Une réelle amitié est née entre ces deux écorchées de la vie, malgré la différence de leurs caractères et vécus. C'est une histoire comme des milliers d'autres, l'histoire de deux femmes âgées qui n'ont pas d'histoire ; deux personnes comme on en voit peu au théâtre. Dans un décor de laverie, une lumière tamisée, sur fond de musique douce, Aziza Boulabiar fait son entrée sur les planches du théâtre de Hammamet, sous les applaudissements du public. Une voix de vieille dame résonne, méconnaissable dans son habit de femme, Moez Toumi la rejoint sur scène. Que le spectacle commence, désormais ce n'est plus que Zina, Aziza et le public, deux femmes qui sont dévorées par le désir de vivre, mais rien n'est gênant comme les gens qui s'accrochent à l'existence : tout est ordonné pour que – mangeant, dormant – elles ne fassent que survivre. Elles ne sont pas les plus malheureuses, ni les plus misérables: c'est une détresse au fond très normal. L'histoire est relatée sur un ton burlesque, placé sous le signe de la corvée au féminin. Les deux femmes ont leur propre conception de la vie, mais elles prennent un plaisir fou à laver, sécher et plier. Elles essayent de combler le temps entre la morne répétition de rituels quotidiens et les "secousses" de vie, de désir, d'autodestruction, d'aspirations vers le ‘‘grand tout'' ou le "grand rien" qui les agite. Avec beaucoup d'humour, le duo aborde tous les sujets qui dérangent tels que la politique, la religion, la crise économique, la liberté, l'impact des réseaux sociaux, la montée du salafisme et du terrorisme, les grèves à répétition, les manifestations, bref en gros... l'état du pays. Tous ces enjeux, ces affrontements, cette tension entre Aziza et Zina sont exprimés tantôt dans un style dramatique, tantôt dans celui de la fable. Humour, narration et rire sont donc les ingrédients utilisés. Les deux actrices entrent dans une phase d'ébullition. A partir de là, la pièce se transforme en un burlesque imbroglio. Aziza Boulabiar toujours égale à elle-même et Moez Toumi excellent dans le rôle de Zina, inventent et racontent des histoires et font passer des messages sur notre quotidien, avec humour.