La ville de Gafsa vient d'abriter la 2ème édition des Rencontres Internationales d'Art Actuel organisées par Al Maken, en partenariat avec le centre culturel Ali Jida, l'association Capsa Art et Culture et l'association Patrimoine Immatériel de Gafsa avec la participation de nombreux artistes tunisiens et étrangers et particulièrement, celle des jeunes de la région. Al Maken s'est donné pour consigne, de sillonner nos villes et à chaque fois, de nouveaux espoirs et de nouvelles aventures sous le signe de l'échange et du partage. Après Sidi Dhrif l'année dernière, les artistes ont élu domicile, du 28 août au 06 septembre 2016, à Gafsa et autour des bassins miniers du Sud tunisien, Redeyef, M'dhilla et Metlaoui, fiefs en 2008, du premier sursaut de la révolution tunisienne, qui inspire de nos jours, créateurs, cinéastes et plasticiens de tous bords... Dans leurs pérégrinations à travers les montagnes sur les traces des Berbères, les artistes, entre peintres, sculpteurs, céramistes et photographes, ont eu le don d'arrêter le temps pour vivre tous les instants et s'imprégner des tons et couleurs de la terre et des vues imprenables qu'offraient les paysages de cette contrée de la Tunisie. Artistes de langues et nationalités diverses Participant pour la première fois à une manifestation d'une telle envergure, Jelenka Galic Bellagi, céramiste tunisienne d'origine croate qui vit à Kélibia, a apprécié l'esprit de convivialité et l'accueil chaleureux des rencontres internationales d'art actuel d'Al Maken qui constituent pour elle, une véritable découverte. « Avec le spectacle de Stambali à l'ouverture, dit-elle, je me sens complètement plongée dans l'atmosphère de l'Afrique avec ses rythmes et couleurs... ». Jelenka est auteur de deux livres pour enfants ; « Khnissa », un conte populaire mis en images par elle-même et un autre sans paroles, uniquement des images pour laisser aux enfants la liberté d'interprétation. Vivant entre Dublin et Chatt Meriem dont elle s'est éprise depuis une dizaine d'années, l'Irlandaise Inez Nordell, artiste designer, est spécialiste du portrait. Elle qui a travaillé 35 ans durant à la télévision et au cinéma entre l'Angleterre et l'Irlande, rêve d'entrer en contact avec les artistes tunisiens. Les costumes du mariage traditionnel de Gafsa l'ont interpelée pour les couleurs et les motifs dont elle s'est inspirée dans son travail. Hilda Hiary de Jordanie, est quant à elle, hantée par l'image de la femme arabe dans tous ses états ; forte de personnalité, moderne, libre, digne... Une image dont elle rêve toujours pour en faire l'axe central de son travail. Présente à la première édition d'Al Maken (2015), elle revient cette année pour réaliser en duo avec Anis Chouchane, (poète et artiste slameur), une œuvre empreinte d'un ton poétique comme un témoignage d'amitié et de partage. La Tuniso-russe, Olga Malakova, maître assistante à l'Institut Supérieur des Arts et Métiers de Gafsa et présidente de l'association Capsa, Art et Culture, (partenaire d'Al Maken), a réalisé « La dame aux chameaux », une œuvre inspirée du patrimoine de Gafsa, revisité avec une touche de modernité. Olga a pris part aux Rencontres Internationales d'Art Actuel, aux côtés d'autres artistes de renommée internationale, originaires des pays de l'Est. Il s'agit de Nina Bondarenko et son fils, Jaroslav Bondarenko, (Ukraine), Gevorg-Endza Babakhanyan et Ruben Grigorian, (Arménie), Henadzi Burchyk et sa femme Ina Dzianishchyk, (Biélorussie), Irina Maksakova et Pavel NiKolaev, (Russie). De l'Iran, Atefeh Khas a choisi les bobines de laine aux couleurs du Sud pour tisser un tapis cerf-volant, rendant ainsi hommage aux femmes artisanes du monde entier. Sans oublier la brillante participation de Amel Ben Hassine, (peinture), Najet Ghrissi (sculpture) et Samah Habachi, vitrailliste et directrice de la maison des Arts du Belvédère qui s'inspire dans son travail, des formes et motifs de tapisserie, eu égard à l'hommage rendu à H'Mida Wahhada, artiste tapissier, enfant de la région. Quant aux œuvres réalisées lors d' Al Maken 2, elles seront, selon les dires de Samah Habachi, exposées à la Maison des Arts du Belvédère en décembre prochain, ce qui constituera le clou de la saison. Ainsi, le public pourra découvrir des travaux aussi divers que variés signés, Kerstin Hehmann (Allemagne), Katerina Katsifarak (Grèce), khalid Alshatti (Koweït), Julietta Castells (Argentine), Fadi Daoud (Jordanie), Hassen Bourkia (Maroc), Ghedafi Fakhri ( Libye), Bashar El Hroub et Mondher Jawabreh (Palestine), Dhyaneswar Dausoa ( Ile Maurice), Omar Ball (Mauritanie), Rashid Diab (Soudan) Meaghan Sweeney (USA), Sally El Zeiny (Egypte), Santiago Arranz (Espagne), Zakaria Mostari (Algérie), Sumaya Abdulghani ( Bahreïn), et les Tunisiens, Amine Bousoffara, Ali Fakhet, Walid Zouari, Mourad Zaraï, Samir Sendi, Zied Sendi, Mohamed Dahbi et Amor Ghdamsi, pour ne citer que ceux-ci. Ateliers : écriture araméenne, sculpture et papier artisanal Irakien d'origine vivant à Toulouse en France, Behnam Keryo est universitaire, haut fonctionnaire de l'ONU et collaborateur de Jimmy Carter pour les négociations de paix au Soudan. Il est aussi docteur en histoire des religions à la Sorbonne, auteur calligraphe, sculpteur et compositeur de musique de chorégraphie. Auteur de nombreux livres en arabe et en français, dont, « L'araméen enchanté, « Le jeûne de Jonas », Behnam est spécialiste des langues anciennes. Il a réalisé des dizaines d'expositions de stèles en France et à Londres. A Gafsa, il a animé un atelier sur la première écriture inventée par les Sumériens, l'écriture cunéiforme ainsi que le premier alphabet à l'origine de tous les alphabets. Pour lui, c'était l'occasion de présenter l'alphabet araméen en Tunisie, dans sa famille de Phéniciens... Les jeunes de Gafsa ont été invités par ailleurs à assister à un atelier de formation de sculpture sur pierre, animé par l'Egyptien Khaled Zaki, sculpteur très connu à travers le monde, formé en Italie. Puis à un atelier d'initiation à la fabrication du papier artisanal, assuré par notre grand artiste peintre, graphiste et illustrateur de livres de contes, Raouf Karray. Ce dernier estime que l'artiste peut par un simple geste, limiter le danger de la pollution et préserver la nature d'une dégradation rampante en recyclant le papier utilisé pour les travaux artistiques. Superbe démonstration dans les jardins du Centre culturel Ali Jida. Hommage à Brahim Dhahak, « Le fils de Gafsa » La présidente d'Al Maken et cheville ouvrière de l'événement, Fawzia Sahli, est fière quant à l'engouement des jeunes de la région de Gafsa et leur intérêt accordé aux différents ateliers. « La coordination s'est faite, dit-elle, avec les différents partenaires, ce qui a permis à Al Maken d'assurer un bon départ...Les autorités ont manifesté un intérêt particulier à cet événement qui a connu des moments forts, notamment avec la conférence de Mustapha Khannoussi, spécialiste en histoire ancienne, Gafsa, une histoire millénaire, un destin mouvementé ... » A mettre en valeur aussi, l'hommage rendu à Brahim Dhahak , qui était un moment de grande émotion après avoir visionné un film réalisé par H'mida Ben Ammar, « le fils de Gafsa ». La projection de ce documentaire de 26 minutes, a permis aux artistes, de connaitre ce maitre graveur dont le nom résonne encore dans sa ville natale. Selon toujours Fawzai Sahli, l'intérêt de la manifestation a permis d'établir une collaboration entre Al Maken et un espace privé, le Centre culturel Ali Jida des frères Laabidi. Inauguré en 2016, l'espace va abriter toute l'année, des ateliers de sculpture et de mosaïque dont les premiers fondements viennent de voir le jour grâce à Al Maken pour contourner une certaine laideur qui a tendance à s'installer partout dans le pays et non seulement dans le Sud ; ces constructions anarchiques à l'image des bidonvilles où la poussière et la saleté règnent en maitre absolu...Des images fort regrettables qui rappellent celles des villages en ruine après guerre qui défilent en boucle sur les écrans du monde entier... Al Maken s'était donné le mot pour y a apporter, dix jours durant, une touche de beauté, de convivialité et d'espoir, pour un lendemain meilleur.