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Rencontres d'art actuel au pays du phosphate
«Al Maken»
Publié dans La Presse de Tunisie le 14 - 09 - 2016

Après Sidi Bou Said l'année passée, «Al Maken», les Rencontres internationales in situ d'art actuel se sont déroulées au Centre culturel Ali Jida, à Gafsa, appartenant à un mécène de la région, du 28 août au 6 septembre. Incursion dans un jardin paradisiaque transformé en vaste espace de création, de vivre-ensemble et d'exposition. Reportage.
Des palmiers verdoyants, des eucalyptus géants, une forêt touffue d'oliviers et de bananiers...les jardins luxuriants du Centre culturel Ali Jida portent tout l'inattendu d'une oasis. Car dans cette terre aride, brûlée par le soleil et le vent du sud, la dernière station avant le désert, la verdure est si rare et si peu probable qu'elle se présente comme une...Offrande.
En ce soir de clôture des Rencontres d'Al Maken, une plateforme artistique annuelle itinérante, la magie du lieu est accentuée par les œuvres d'art qui couvrent les kiosques du parc, ses arbres, ses buissons et ses clairières. Une silhouette frêle et menue, telle une jeune pousse de palmier, connaît les moindres coins et recoins de cet espace paradisiaque. Ghada Nafti, 17 ans, lycéenne, est la fille de la cuisinière du centre. Tout au long des dix jours du festival, elle a travaillé en tant que membre volontaire dans l'organisation d'Al Maken, les Rencontres internationales in situ d'art actuel, qui se sont déroulées à Gafsa du 28 août au 6 septembre et rassemblé près de 70 artistes tunisiens et étrangers.
«Ce sont les dix plus beaux jours de ma vie. Avoir partagé cette expérience avec les artistes m'a permis de suivre l'évolution des diverses démarches artistiques. Que c'est fascinant de partir d'une idée pour aboutir à une œuvre ! J'ai aujourd'hui envie de tout apprendre : la peinture, la sculpture, la photo... Je veux suivre cette voie», s'exclame, les étoiles dans les yeux, Ghada Nafti.
Créer des œuvres qui racontent autrement le lieu
Très élégante en ce soir de clôture, Faouzia Sahly, 60 ans et quelques poussières, l'énergique présidente d'Al Maken et sa cheville ouvrière, est aux anges. Le témoignage de la jeune Ghada l'émeut jusqu'aux larmes. «A écouter Ghada, je me dis : voici une part des objectifs de notre association, fondée l'année passée avec un groupe d'artistes et d'activistes culturels, atteints. A savoir créer au fil des jours des Rencontres, des passerelles de solidarité avec les hommes et les femmes des régions intérieures, souvent dépourvus d'accès à des manifestations de dimension internationale. Mais aussi faire naître des liens, des connexions, des synergies entre les jeunes artistes et ceux plus confirmés par des années de carrière, ainsi qu'entre les créateurs de Gafsa et ceux venus de contrées lointaines, avec à leur actif des itinéraires et des disciplines multiples. Que cette jeune personne trouve sa vocation en croisant les artistes d'Al Maken dépasse mes ambitions », confie Faouzia Sahly.
Après la première édition d'Al Maken à Sidi Dhrif en 2015, et pour la deuxième année consécutive, la plupart des artistes invités saisissent bien le concept de la manifestation et le concrétisent à travers leurs œuvres. L'idée est simple : inciter les uns et les autres à exploiter ce qui existe sur le site où ils se trouvent, objets, matériaux, éléments de la nature, paysages, patrimoine, mythologie... pour inventer des peintures, des photos, des sculptures, des installations, des performances, qui racontent et restituent le lieu (al maken en arabe) en y projetant beaucoup de soi, de ses sources d'inspiration, de sa culture, de sa sensibilité et de son regard particuliers.
Une conférence sur l'histoire millénaire et mouvementée de Gafsa, présentée par le Professeur Mustapha Khanoussi, et des visites du Bassin minier et des villages berbères ont permis aux artistes venus d'Europe, d'Asie, d'Amérique Latine et d'Afrique de s'imbiber de l'âme profonde de la région, ainsi que des enjeux sociaux et environnementaux qui entourent la transformation du phosphate.
Dans leurs œuvres exposées le 5 août, le soir de la clôture, les artistes se sont presque convertis en anthropologues de Gafsa...
Un cerf-volant accroché au vent du sud
En hommage aux tisseuses de klims de Gafsa, l'Iranienne Atefeh Khas a choisi de dresser dans le parc du Centre Ali Jida un métier à tisser qui ressemble à la fois à un cerf-volant et à un piano, aux touches en fil de laine multicolore. Accroché à l'ombre d'un olivier altier, bercé par le vent, le métier à tisser d'Atefeh Khas est une sculpture-installation inspirée de la dimension éphémère du Land Art. Objet fragile, il tire sa volonté d'exister de la solidité de l'arbre millénaire auquel il est noué, comme à un cordon ombilical. Nature et culture sont plus que jamais enchevêtrées dans ce territoire rebelle. Un travail qui semble avoir toujours été présent dans ce jardin, tellement il s'intègre bien dans le paysage et qu'Al Maken laisse au Centre culturel Ali Jida. Comme il a légué, l'année passée, plusieurs autres œuvres à l'Institut des hautes études touristiques de Sidi Dhrif.
Des fils, toujours des fils, encore des fils...A côté de l'installation d'Atefeh Khas, les fils à tisser du peintre palestinien Mondher Jawabreh, s'érigent comme des grillages, figent les femmes artisanes, revisitant chaque jour des gestes ancestraux, toujours les mêmes, dans une prison à vie. Plus apaisées, plus aériennes sont les techniques mixtes de Sumaya Abdulghani du Bahrein, collages, couture, acrylique. Ses fils à elle sont portés par les oiseaux du paradis, ils traversent le désert proche de la région de Gafsa et lient, dans un élan d'amour, de paix retrouvée et de spiritualité des êtres lointains les uns des autres. Un peu plus loin, les tableaux composés de pièces en terre cuite de Jelenka Bellagi, tuniso-croate, sont un hymne des motifs éclatants de couleurs des klims de Gafsa, mais aussi à la flore du jardin Ali Jida. Sameh Habachi, la Tunisienne, a choisi de travailler sur un matériel de récupération à base de fer trouvé in situ qu'elle a remodelé et anobli en y ajoutant de belles pièces en verre confectionnées de ses propres mains. Ses sculptures dressées à proximité du portrait géant du peintre emblématique de Gafsa, Brahim Dhahak, auquel a été dédiée cette édition d'Al Maken, accueillent les visiteurs.
Maudit soit le phosphate !
Chez l'Algérien Zakaria Moustari, les êtres qu'il a rencontrés, au hasard de ses déambulations dans le Bassin minier sont momifiés dans la chaleur du sud, mais surtout dans le phosphate. A la fois une manne et une malédiction pour la région. Son triptyque au personnage agonisant, baignant dans un no man's land, est une émanation de la souffrance qu'expriment les tripes de Gafsa et de ses hommes et femmes.
Les surimpressions d'images exécutées par Amine Boussoffara sur les hommes et le phosphate sont aussi intéressantes que le lieu où elles ont été exposées le temps d'une journée. L'œuvre devient ainsi une performance d'artiste qui met en scène son travail et le donne généreusement à voir aux passants et ouvriers de la zone minière, de Mdhilla. L'espace où le photographe a choisi de montrer ses photos, en noir et blanc pour accentuer la portée dramatique du thème, est une maison en ruine située dans un immense terrain vague pour cause de pollution, une maison qui rappelle une ligne de front, un champ de bataille, le dernier vestige d'un conflit armé. Mais entre les hommes et la nature, la guerre se poursuit dans cette zone, la photo de l'arbre d'un côté blanc et de l'autre vert restitue l'histoire des agressions toxiques que subit la terre de Gafsa depuis plus d'un siècle.
Le Palestinien Bashar Alhroub a trouvé ici un de ses thèmes de prédilection : l'identité d'un lieu qui s'estompe et disparaît à cause d'une colonisation ou d'une agression extérieure. La série de photos qu'il a réalisée sur la route menant de Gafsa à Redeyef s'appelle le « chaman ». Mi-Christ, mi-derviche, le personnage, habillé de blanc, mis en scène par Bashar Alhroub, parfois seul, parfois en couple sur un chemin nu, va à la quête des traces de sa culture berbère que veut effacer l'omniprésence du phosphate, devenu l'unique et seul repère de la région. Son errance, puis sa disparition à la fin de l'installation questionnent l'insoutenable fragilité de l'individu et ses angoisses existentielles fortement associées à la construction identitaire.
Plus ludique est le travail du Mauritanien Omar Ball. Arrivé les derniers jours de la manifestation, l'artiste monte en deux temps trois mouvements, tel un prestidigitateur, une sculpture étonnante, un âne en cavale, qu'il peint en rouge vif. C'est en explorant le chantier jouxtant le Centre qu'il récupère des morceaux de ferraille et commence à bricoler, très vite, avec une grande dextérité, son modèle. L'âne d'Omar a hérité de toute l'agilité de son concepteur.
Et Ghada Nafti a toutes les raisons de subir la magie, le génie et la fascination des œuvres artistiques en construction...


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