Après des vacances sous le signe des pétards, de températures clémentes et de querelles politiques infinies, nos élèves viennent de regagner leurs classes. Certains ne l'ont pas fait jusqu'à aujourd'hui à cause d'une école non rénovée, d'un enseignant qui n'a pas été désigné, ou autre cause. Mais cette rentrée avait aussi un goût amer pour les parents, qui viennent de passer un sale été, riche en stress et en dépenses. Combien coûte une rentrée ? Combien coûte l'éducation pour l'Etat ? Une rentrée sous haute voltige La rentrée scolaire est toujours un évènement important dans la vie des enfants et aussi des parents. Cette année, ce sont plus de 2 millions d'élèves qui ont rejoint leurs écoles et lycées. S'ajoutent à eux quelque 63 mille dans les écoles privées. Ce sont aussi plus de 136 mille enseignants (primaires et secondaires) et 10 mille surveillants. Les parents étaient durant les 3 derniers mois sur tous les fronts. Avec les dépenses de l'été, s'ajoutent les dépenses du mois de ramadan, l'Aid, les soldes, les fêtes et les vacances. La rentrée est venue pour couronner un été chaud en évènements politiques et en dépenses. Ce qui est certain c'est que les parents trouvent que le coût du cartable de leurs enfants devient de plus en plus cher, d'une rentrée à une autre, et qu'ils n'arrivent pas à suivre le rythme. En moyenne globale, on enregistre une hausse variant entre 8 et 10% du coût du cartable par rapport à 2012. Selon nos calculs, un élève de 2ème année primaire coûte à ses parents plus de 75 dinars. Ce coût comprend les livres (16.5 dinars), les cahiers (10 dinars), le tablier (13 dinars), le cartable (20 dinars), et les autres fournitures (stylos, équerre, colle, couverture,....) Un élève de la septième année de base coûte à ses parents aux alentours de 110 dinars, avec 39.250 dinars pour les livres seulement. De son côté un élève de 3ème secondaire peut coûter jusqu'à 122 dinars à ses parents, avec plus de 44 dinars seulement pour les livres. Ce coût inclut aussi des cahiers de travaux pratiques et dont le coût moyen atteint 8.5 dinars, et dans certains cas plus de 12 dinars. Les prix ainsi avancés prennent en compte des moyennes, et sont calculés sur la base de cahiers subventionnés. Les prix des fournitures scolaires de cette année ont enregistré une légère hausse. Si les prix des livres sont restés les mêmes qu'il y a 5 ans, les prix des cahiers subventionnés ont enregistré une hausse variant entre 5 et 8%. Cette hausse est expliquée par la hausse des prix de la matière première importée, et la dépréciation du dinar. Un parent qui a 3 enfants au lycée peut dépenser plus de 400 dinars, rien que pour les fournitures et le coût direct du cartable. A côté de ces frais, il y a d'autres dépenses importantes. Il s'agit surtout des espadrilles et des vêtements de sport, des abonnements dans le transport, et des frais d'enregistrement. Pour certains parents, surtout du grand Tunis, il faudrait aussi ajouter les frais de garderie scolaire, qui ne cessent d'augmenter de plus en plus. La rentrée scolaire est donc un grand centre de dépense pour les consommateurs, alors que leur pouvoir d'achat ne cesse de se détériorer, à cause de la limite des salaires et de l'inflation. Avec la conjoncture actuelle, certains parents sont parfois obligés de prendre des crédits et de s'endetter pour assurer la rentrée scolaire pour leurs enfants. Investir dans l'éducation Le gouvernement accuse de son côté un coup pour la rentrée. En effet, le ministère de l'Education vient de recruter plus de 4000 enseignants (primaire et secondaire) pour couvrir les besoins des écoles et lycées. En 2012, le budget du ministère de l'Education a atteint 3282 millions de dinars, avec 3036 millions de dinars comme dépenses de fonctionnement. On rappelle que le budget du ministère était de 1285 millions de dinars en 2000. C'est donc une hausse de 260% en 13 ans. Le budget consacré à l'éducation représente plus de 12.93% du budget de l'Etat pour 2012. Un élève coûte énormément au gouvernement. En effet, le coût unitaire pour un élève du primaire était de 550 dinars en 2002, et il est aujourd'hui de 1190 dinars. Le coût unitaire d'un élève du secondaire est de 1947 dinars, alors qu'il était de 670 dinars en 2002. Pour l'Etat, ces dépenses sont un grand investissement dans les ressources humaines, et qui font aujourd'hui le capital de notre pays. Mais il y a aussi des sonnettes d'alarmes graves. En effet, plus de 100.000 élèves quittent chaque année nos écoles pour des raisons multiples et ils sont accueillis soit comme main d'œuvre pas chère dans le bâtiment et l'agriculture, soit chez les terroristes qui les exploitent pour en faire des bombes humaines. Il y a aussi le taux de redoublement qui atteint 12% au secondaire et 11% au primaire. L'échec scolaire ne cesse d'augmenter durant les dernières années, à cause de la conjoncture du pays. Il ne faut pas oublier au passage la qualité de l'éducation des élèves, qui est en nette régression. Il suffit de voir le produit final aux universités et dans les administrations. Le système éducatif a tellement subi des réformes, qu'il s'est déformé. Le secteur privé se pointe L'enseignement public en Tunisie est en train de perdre du terrain face au secteur privé. En effet, le nombre ne cesse de croître malgré la hausse importante des frais. On est passé de 4800 élèves au primaire en 2000 à 16146 en 2012, et de 57000 élèves au secondaire en 2000 à 63000 en 2012. Le nombre des établissements privés atteint 299 en 2013. Dans certains cas, il faudra réserver pour trouver une place dans une école privée (ou un lycée privé), ce qui coûte plus de 1500 dinars par an. La qualité de l'encadrement et des enseignants, ainsi que la qualité des établissements, laisse les parents s'orienter vers ces écoles et lycées privés. Malheureusement, la Tunisie se dirige vers un système éducatif à double vitesse : une éducation pour les riches et une pour les pauvres.