Le parti Ennahda est de loin le parti qui a le plus subi les angoisses de la dictature déchue le 11 janvier 2011. Longtemps interdit, il est légalisé le 1er mars 2011 par le gouvernement d'union national, et obtient 89 députés au sein de l'Assemblée constituante d'octobre de la même année, ce qui en fait la première force politique du pays. Parti politique ayant une forte connotation avec les Frères musulmans d'Egypte, ses hauts responsables ont eu à subir les pires affres que peuvent vivre de hauts dignitaires qui osent affronter un régime en place, aussi bien sous l'ère Bourguiba que celui de Ben Ali. Du travail forcé à l'exil, et nul ne pouvant prédire le cours de l'histoire, les exilés d'hier sont aujourd'hui à la maison, et les geôliers hors d'état de nuire. Mieux, les hommes à abattre d'hier ont pris le contrôle du pays et sont aujourd'hui les maîtres. Le pays leur appartient, du moins leur appartenait, car « ils ont décidé » de laisser la Présidence du Gouvernement qui leur était réservé depuis les dernières élections. La carte de la volonté du peuple est présentée. Doit-on y croire ? Comment peut-on être passé par un chemin comme celui auquel a fait face ce parti, goûter les délices de la gloire, du sommet, du pouvoir, et tout abandonner du jour au lendemain ? Peut-on croire à une naïveté politique? Est-ce par amour pour le peuple qui le réclamait à corps et à cri ? Le parti avait toutes les raisons de s'accrocher au pouvoir, car elle à remporté haut la main les élections du 25 octobres 2011, voire même plus, car selon le blogueur et activiste Yassine el Ayari, ces élections ont été truquées et Ennahda devait avoir plus de sièges à l'Assemblée constituante. Seulement, elle a décidé de battre retrait, alors qu'il avait toute la latitude de s'accrocher, d'user de toutes les ruses et essayer d'instaurer ou alors laisser planer l'air de la charia à laquelle elle tient tant. Non, rien de tout cela, Ennahda a laissé tomber. Ruse ou alors qu'est-ce qui manque au puzzle ? Le parti de Rached Ghannouchi va plus loin dans le mystère qui plane autour de son retrait de la scène publique. Elle est allé même à reconnaître le droit des sionistes à rentrer en Tunisie, chose plutôt bizarre. On pourrait être tenté de croire que ce parti a su tirer des leçons de l'expérience égyptienne, où les Frères musulmans, parti proche d'Ennadha se sont vu évincer du pouvoir par l'armé. Ennadha aurait-il eu peur que le même scénario soit orchestré par la grande muette tunisienne ? Le parti aurait-il choisi d'éviter une telle humiliation et se résigner à effectuer les fonctions régaliennes d'un parti politique auxquelles il aurait été privé pendant de longues années ? Et ainsi se consacrer à la conquête et l'exercice du pouvoir auquel il a eu droit en essayant de structurer l'opinion publique autour de sa cause perdue. Et si Ennadha avait reçu des pressions extérieures ? L'on sait le parti avoir aujourd'hui des tentacules qui vont bien au-delà de la Tunisie. Le peuple doit-il se réduire à croire que s'est au nom de sa stabilité et pour sa paix qu'Ennahda a accepté de la présidence du gouvernement? Ou alors il est encore assez tôt pour croire que le loup à lâcher prise, et, comme « le tigre ne proclame pas sa tigritude », mais il attend le moment opportun pour « bondir sur sa proie et la dévorer » comme l'aurait affirmé le prix Nobel 1986, le nigérian Wole Soyinka. Wait and see !!!