Tunisie-Nigéria (2-3) : La déception et des interrogations    CAN 2025 : Une victoire nigeriane pleine de suspense    TotalEnergies fait vibrer la Tunisie au rythme de la TotalEnergies CAF Coupe d'Afrique des Nations, Maroc 2025    Match Tunisie vs Nigeria : Où regarder le match de la CAN Maroc 2025 du 27 décembre ?    L'ATB et Visa International célèbrent les grands gagnants du jeu-concours ATB & Visa à l'occasion de la CAN Maroc 2025    CAN 2025 : suspense et émotions au rendez-vous ce samedi    SNCFT : 575 postes à pourvoir dans divers domaines    Tunis se prépare à accueillir 461 nouveaux bus venus de Chine    Douane : dernier délai pour régulariser voitures et motos le 30 décembre    L'ATB et Visa International célèbrent les grands gagnants du jeu-concours ATB & Visa à l'occasion de la CAN Maroc 2025    Diaspora tunisienne : comment la Tunisie peut-elle séduire à nouveau ses talents expatriés?    Salon de l'Entrepreneuriat RIYEDA : autonomiser pour entreprendre et inclure    QNB organise des ateliers financiers pour les élèves de l'école primaire «El Chedly Khaznadar» à Ezzahra    Grand concert du nouvel An à Tunis : l'Orchestre symphonique Tunisien au théâtre de l'opéra (Programme)    IQOS ILUMA i lancée en Tunisie par Philip Morris International : transition vers un avenir sans fumée    Festival international du Sahara 2025 à Douz : tourisme et artisanat au cœur de la 57e édition    Météo en Tunisie : pluies orageuses sur le Nord et localement sur le Centre    Fin de la vignette : payez vos droits de circulation autrement dès 2026    De la harissa familiale aux étals du monde : l'incroyable épopée de Sam Lamiri    IACE - Premier rapport national sur l'Entreprise: Pour un nouveau pacte productif    De l'invisibilité à l'hyper-visibilité: le voile dans l'imaginaire onusien    Les couleurs du vivant: Quand la biologie et l'art se rencontrent    Tunisie-Japon : SAITO Jun prend ses fonctions et promet un nouvel élan aux relations bilatérales    Festival Saliha de la musique tunisienne à la ville du Kef : ateliers, concerts et spectacles (programme)    Météo en Tunisie : mer agitée, températures en légère hausse    Kaïs Saïed : seule l'action sur le terrain fera office de réponse    Séisme de 6,1 à Taïwan : sud-est secoué sans dégâts signalés    Crash près d'Ankara : le chef d'état-major libyen tué    CAN 2025 - Tunisie-Ouganda : Un avant-goût de conquête    Yadh Ben Achour reçoit le prix Boutros Boutros-Ghali pour la Diplomatie, la Paix et le développement (Vidéo)    Tunisie Telecom lance sa campagne institutionnelle nationale «Le Don des Supporters»    Match Tunisie vs Ouganda : où regarder le match de la CAN Maroc 2025 du 23 décembre?    Choc syndical : Noureddine Taboubi démissionne de l'UGTT    Riadh Zghal: Le besoin de sciences sociales pour la gestion des institutions    Tunisie à l'honneur : LILY, film 100% IA, brille sur la scène mondiale à Dubaï    Nabeul accueille le festival international Neapolis de théâtre pour enfants    Cérémonie de clôture de la 36ème session des journées cinématographiques de Carthage (Album Photos)    Décès de Somaya El Alfy, icône du cinéma et du théâtre égyptiens    Le carcadé: Une agréable boisson apaisante et bienfaisante    CAN Maroc 2025 : programme des matchs de la Tunisie, préparatifs et analyse des chances    France : nouvel examen civique obligatoire pour tous les étrangers dès 2026    Elyes Ghariani - Le Style Trump: Quand l'unilatéralisme redéfinit le monde    Slaheddine Belaïd: Requiem pour la défunte UMA    Comment se présente la stratégie américaine de sécurité nationale 2025    La Poste Tunisienne émet des timbres-poste dédiés aux plantes de Tunisie    Sonia Dahmani libre ! Le SNJT renouvèle sa demande de libération des journalistes Chadha Haj Mbarek, Mourad Zghidi et Bourhen Bssaies    Secousse tellurique en Tunisie enregistrée à Goubellat, gouvernorat de Béja    New York en alerte : décès de deux personnes suite à de fortes précipitations    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Entre réalité et complot, d'où vient le désenchantement des Tunisiens?
Révolution — Transition
Publié dans La Presse de Tunisie le 24 - 06 - 2013

Ballottés entre une version et son contraire, les Tunisiens ne savent plus s'ils doivent croire ou ne pas croire à la véracité de la Révolution, à la droiture de la transition, à la loyauté de l'armée, aux déflagrations du Mont Chaâmbi, à une possible élucidation de l'assassinat de Chokri Belaïd... Décryptage d'un historien, d'un psychanalyste et d'un sociologue de la communication
«Violence politique, tension sociale, insécurité, bilan économique morose, justice en peine, un état d'urgence à n'en pas finir et un projet de constitution douloureusement arraché à l'affrontement des identités...» Quand les Tunisiens alignent les faits vérifiables de la transition, ce n'est plus pour s'y attaquer de front. Loin des engagements citoyens pris au matin du 15 janvier 2011, leurs propos traduisent aujourd'hui désenchantements, contradictions, peurs, suspicions et cette question hallucinante : et si tout cela n'était qu'intrigues de palais ?... Leurs pages sur les réseaux sociaux rendent compte du paradoxe d'une société qui ne croit plus à rien mais n'attend qu'une intox pour croire à tout, qui n'espère rien mais s'appuie sur le premier discours lénifiant pour s'accrocher au lendemain. Même chez les acteurs politiques et associatifs, l'optimisme est de façade. Derrière l'écran, la défiance brouille la vision, alors que le pessimisme et la démission ne se cachent même plus chez le commun des Tunisiens.
Que s'est-il passé en deux ans et demi de transition qui éloigne tant les Tunisiens des ferveurs citoyennes de la Révolution ?
Dépression
Le diagnostic lâché par Fethi Benslama, professeur de psychopathologie, auteur de Soudain, la Révolution ! et prochainement d'un nouvel ouvrage titré l'Agonie pour la Justice, est sans appel. «Il y a dépression et les Tunisiens ont raison d'être dépressifs. D'un côté, ils ont trop idéalisé ce qu'ils ont fait. C'est vrai que la Tunisie a vécu un moment proprement révolutionnaire, mais quelque chose a été arrêté dans ce processus qui aurait pu aller plus loin dans l'idée de la justice, dans les formes de liberté et de participation au jeu démocratique. Ce coup d'arrêt est lié à la crainte qu'a inspirée le processus. Il s'est traduit tout à coup par le retrait de la jeunesse... Des vieux ont pris la place avec des méthodes anciennes et des discours connus». L'autre phénomène qui a affecté les Tunisiens, avance le psychanalyste, c'est l'apparition de ce mode conservateur qui veut fonder la perception politique et la prise en compte des problèmes de la société à travers la morale. «Tout cela a déprimé les Tunisiens, car il les a amenés à perdre foi en leur extraordinaire capacité des débuts...».
Populisme
C'est avec d'autres mots que Adel Ltifi, professeur d'histoire contemporaine du monde arabe, établit son diagnostic. «Pour la première fois de son histoire moderne et contemporaine, la société tunisienne échappe à l'emprise de l'Etat, à son despotisme, à sa culture et exprime librement ses paradoxes sociaux, culturels, politiques. Dans l'histoire, les moments de rupture sont souvent associés aux sentiments les plus contradictoires : doute et confiance, espoirs et désespoir, enchantement et désenchantement. La société, en branle, est alors exposée, à corps défendant, à la tyrannie de la passion. Et cette passion est potentiellement porteuse de populisme...». Pour l'historien, c'est ce populisme qui s'est clairement exprimé, lors des élections du 23 octobre. Le premier rendez-vous démocratique aura, selon ses termes, acté la prédominance de trois types de populisme: populisme religieux avec Ennahda, populisme social avec les partisans de Hachmi Hamdi ; voix de la campagne, et populisme politique avec le CPR... Mais là où le processus dérive, précise l'historien, c'est quand tous les objectifs et aspirations de la révolution sont évacués pour laisser place à une polémique sur l'identité. «La révolution tunisienne que l'on croyait porteuse d'avenir a aussitôt été rattrapée par le passé récent avec la problématique de Bourguiba et de l'Etat de l'indépendance et même par le passé lointain, celui des débuts de l'Etat moderne du milieu du XIXe siècle...».
Leadershi
Rien n'est définitivement perdu pour le psychanalyste Fethi Benslama. «Je pense que la dépression est temporaire. Le processus révolutionnaire va ressurgir – peut-être pas immédiatement, ni dans les mois qui viennent – parce que les Tunisiens sont déjà entrés dans un processus de maturation, en tant que sujets politiques. Mais, deux ans et demi après, la construction politique n'est pas à la hauteur des aspirations du peuple. Les personnes qui gouvernent ont coulé ces aspirations dans des canaux anciens... C'est un discours nouveau et crédible, quelque chose d'autre qu'attendent les Tunisiens. Or, devant eux, il y a à peine des joueurs, de petits malins et de petits Narcisse, mais aucun acteur politique n'est à la hauteur de ce qui s'est réellement passé...»
L'historien y décèle un élément structurel. Le parti au pouvoir souffre selon lui d'une carence au niveau de sa culture politique et historique. Une situation compréhensible pour un parti qui trouve du mal à outrepasser la prédication pour rejoindre la politique. «Cet état d'esprit explique la confusion, chez l'élite qui domine Ennahda entre gouverner dans le sens d'administrer l'Etat et gouverner dans le sens de dominer l'Etat... Ainsi, ils se sont consacrés durant la période transitoire au contrôle de l'Etat aux dépens des besoins immédiats de la société et aux dépens de la transition démocratique».
Complot
Au-delà du mal du pouvoir, il y a chez les Tunisiens un malaise aux raisons diffuses ; une inquiétude presque idéologique. Les réseaux sociaux et les médias électroniques aidant, jamais les livres, les articles de presse, les vidéos fuitées, et les déclarations de responsables remettant en question des certitudes et trahissant des bribes de complots n'ont eu autant de résonance populaire...
Et si tout n'était que complot et scénarios préconçus : la révolution, la montée au pouvoir des islamistes, la polémique sur l'identité, les lourdeurs de l'ANC, les guérillas du Mont Chaâmbi, le prolongement de l'état d'urgence... ? Les Tunisiens n'ont jamais été aussi suspicieux. Mais alors d'où vient ce doute et que nous en coûte-t-il ?
Fidèle à l'Histoire, Adel Ltifi est intransigeant : «La théorie du complot est une forme d'oisiveté intellectuelle. La révolution tunisienne est bel et bien l'aboutissement d'une dynamique sociale interne qui s'est conjuguée à un contexte planétaire défavorable aux dictatures... Dire que l'Occident via le Qatar a mobilisé les Tunisiens contre Ben Ali est une façon de déprécier la société tunisienne...».
Miroir
Le psychanalyste tempère: il y a toujours des manipulations et des gens qui complotent. Mais cela ne touche pas au processus. Il y a quelque chose de certain dans la révolution. «Libération de la parole, expérience du dévisagement traumatique, narcissisme éclaté, désagrégation de l'unité, nouveau reflet de nous-mêmes, de nos divergences, nos divisions...».
Saisissant dans la chute de Ben Ali et l'effacement de l'image du despote un enjeu narcissique, Fethi Benslama raconte l'éclatement du grand miroir politique en une multiplicité de miroirs et de narcisses. «Ce foisonnement est en lui-même, source d'incertitudes et de suspicion, mais il est positif. Il cristallise une forme de vie démocratique. On dépasse la négativité du Narcisse absolu. On passe de la communauté à la société... Preuve qu'une révolution est en cours, quelle qu'en soit l'issue».
Le psychanalyste esquisse quelques sorties : «Recommencer à rétablir le lien d'identification... Arrêter le discours clivant entre sur-musulmans et sous-musulmans, entre laïcs et rétrogrades... Cesser de s'infliger des blessures... Prendre notre réalité comme nous l'offre le grand miroir politique... Désormais, notre réalité n'est plus camouflée».


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.