Une foire du livre est une immense librairie dans les travées desquelles se promène l'amateur de lecture tout autant que le lecteur occasionnel, dans une sorte d'ivresse née du contact presque charnel avec ce support prestigieux qu'est le livre. La Foire Internationale de Tunis qui vient de démarrer obéit à cette dimension euphorisante qui permet au citoyen, toutes catégories et toutes générations confondues, de vivre un moment sublime. Un plaisir dans lequel succombe même le contempteur du livre qui, en d'autres occasions, s'érige en thuriféraire zélé du livre électronique. Trois langues, arabe, français et, dans une moindre mesure, l'anglais, entonnent un hymne à cet objet quasi-mythique. Une dizaine de jours de douce folie donc! Mais cet état de grâce se reflète-t-il au niveau des achats effectués par les visiteurs de la foire? Car, quoi que l'on dise, le livre, et plus particulièrement le livre tunisien, demeure cher et, par conséquent, représente une dépense à laquelle répond difficilement la bourse du Tunisien moyen. Même si cette dernière se délie plus facilement pour des produits qui n'ont aucune nécessité et qui souvent distillent une nourriture délétère, aux antipodes de la nourriture spirituelle dispensée par le livre. Une fois les achats effectués, le visiteur s'en va ranger ses ouvrages dans les rayons de sa bibliothèque, la conscience tranquille d'avoir rempli une obligation culturelle, puis il n'y pense plus. Le prix du livre est-il à ce point rédhibitoire? A cela les éditeurs, pour qui cette manifestation livresque pourrait constituer une manne (mais qui n'en est pas une) excipent de la cherté du papier (bien que l'Etat les soutienne dans ce domaine), de la cherté également des frais d'impression et de distribution. C'est pour cela qu'ils rejettent la balle dans le camp des auteurs. Lesquels auteurs, à part quelques privilégiés, tirent souvent le diable par la queue. Ce sont souvent des enseignants, des journalistes, pour qui la formule à compte d'auteurs dépasse souvent leurs possibilités matérielles. C'est à cela que doit s'attaquer la Foire, au-delà des considérations d'ordre spectaculaire!