La victoire de Zohran Mamdani, jeune député musulman et socialiste démocrate de 33 ans, au second tour de la primaire municipale de New York avec 56 % des voix contre 44 % pour Andrew Cuomo, marque un tournant inédit dans l'histoire politique américaine. Mais cette percée s'est accompagnée d'une intense campagne de haine en ligne, mêlant attaques religieuses, idéologiques et nationalistes, selon une étude alarmante du Centre pour l'étude de la haine organisée (CSOH). Islamophobie : un raz-de-marée numérique de haine L'étude du CSOH, intitulée « Haine numérique, islamophobie, Zohran Mamdani et la primaire municipale de New York », révèle que 6 669 publications ciblant Mamdani ont été analysées entre le 13 et le 30 juin. Ces contenus ont généré plus de 419 millions d'engagements (vues, likes, commentaires, partages). Rien que le 25 juin, 2 173 publications à caractère islamophobe ont été recensées, contre 56 à 264 les jours précédents. Selon Raqib Naik, directeur exécutif du CSOH, « ce n'est pas une simple critique politique : c'est une vague coordonnée de haine visant un candidat en raison de sa foi et de ses idées ». Sur les 1 933 publications examinées en profondeur, près de 40 % contenaient un langage islamophobe explicite, associant l'islam à une menace pour les valeurs américaines. Zohran Mamdani a été décrit comme un « djihadiste », un « extrémiste musulman », ou encore un « sympathisant terroriste ». Certaines publications faisaient le lien avec les attentats du 11 septembre, insinuant que « New York tomberait sous la charia ». Pire encore, 51,2 % de ces attaques religieuses étaient couplées à une rhétorique idéologique, assimilant le programme socialiste-démocrate de Mamdani à une « infiltration communiste », avec une moyenne de 406 244 interactions par publication, selon le CSOH. Un climat politique, numérique et sécuritaire délétère La plateforme X (ex-Twitter) concentre à elle seule 64,6 % des publications haineuses recensées, suivie par Facebook et d'autres plateformes comme GETTR. Ces contenus ne se limitent pas à Mamdani : ils visent l'ensemble de la communauté musulmane et participent à une délégitimation systématique de leur participation à la vie politique. Certains messages réclament la déchéance de nationalité, voire la déportation du candidat. Des visuels viraux diffusent des images telles qu'une Statue de la Liberté en niqab, avec des slogans appelant à « protéger l'Amérique ». L'effet de cette hostilité dépasse le cadre numérique. Des actes islamophobes ont été signalés à New York dans la foulée du vote : une femme agressée dans le métro de Queens après qu'on lui a demandé si elle était musulmane, ou encore la profanation d'une salle de prière à NYU avec des graffitis antimusulmans et des tapis souillés. Kayla Bassett, directrice de la recherche au CSOH, alerte : « Ce contenu vise à dissuader la participation politique des musulmans et à semer la peur. Le risque d'attaques réelles est bien présent. » Un précédent dangereux pour la démocratie américaine La montée de l'islamophobie politique, associée à la polarisation extrême et à un environnement numérique sans garde-fous, rappelle le climat du maccarthysme, estime le rapport du CSOH. Le danger : que la religion devienne un critère d'exclusion électorale, sapant les fondements pluralistes de la démocratie américaine. Donald Trump, sur Truth Social, n'a pas tardé à réagir en qualifiant Mamdani de « fou communiste à 100 % », tandis que des figures conservatrices comme Charlie Kirk ont instrumentalisé le 11 septembre pour attiser les peurs. Ainsi, l'élection de Zohran Mamdani pourrait marquer une avancée historique pour la représentation musulmane dans la politique américaine, mais elle révèle aussi la fragilité de l'espace civique face aux logiques de haine numérique. Sans réaction ferme des plateformes et des institutions, la frontière entre incitation numérique et violence réelle pourrait bientôt disparaître, avec des conséquences dangereuses pour la démocratie, la diversité et l'inclusion. Commentaires Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!