Ils sont une composante essentielle de l'économie marocaine de par les transferts d'argent, un volume plus important que les recettes touristiques. Nous parlons des Marocains résidant à l'étranger (MRE). Mais voilà, ils ont le blues, du vague à l'âme, des états d'âme, de la rancoeur… Bref, ils sont très remontrés contre la mère patrie. Les Tunisiens résidant à l'étranger (TRE) ne sont pas les seuls à formuler des griefs, les MRE aussi. Les raisons de la colère ne sont peut-être pas tout à fait les mêmes, mais tout de même. Le désamour est tel que dans plusieurs villes du royaume l'affluence estivale habituelle n'est pas au rendez-vous. Beaucoup de MRE manquent à l'appel cette année. On est au pic de l'été et pourtant les voitures immatriculées ne font pas légion, ce qui sème le désarroi chez les professionnels du tourisme et alimente les supputations au sein de la société civile… «Nous avons annulé notre voyage cette année. En juin, pour quatre billets aller-retour depuis Paris, on nous demandait plus de 2.500 euros pour une famille composée de 4 personnes. Sans compter la location de voiture et l'appartement sur place, c'est devenu du luxe de rentrer au pays», confie au journal Hespress Rachid, un MRE résidant en région parisienne. Karima, vivant en Belgique, corrobore ces propos : «On a fini par partir au sud de l'Espagne. On a payé moins cher et, au moins, là-bas, on ne se sent pas pris pour des touristes à arnaquer à chaque coin de rue». 2025 est marqué par les tarifs exorbitants des billets d'avion et de bateau, couplés aux prix prohibitifs des logements et hôtels. Samir, installé en Espagne, dit ceci : «Cet été, c'était soit le Maroc, soit le Portugal. Pour presque le même budget, on a choisi le Portugal. Meilleure qualité de service et pas cette impression de se faire avoir en permanence. C'est vrai que la famille nous manque énormément, mais on se fait dépouiller chaque année, surtout lorsqu'on est une famille nombreuse. On viendra en milieu d'année, lorsque les prix baisseront... On verra». Bouazza Kherrati, président de la Fédération Marocaine des droits du consommateur (FMDC), a évoqué cette situation inédite. «J'ai été contacté par plusieurs MRE qui m'ont dit clairement qu'ils avaient renoncé cette année à venir passer leurs vacances au Maroc. Et on l'a bien constaté, les voitures de MRE sont rares alors qu'on est en fin juillet, le pic de l'été. Pourquoi ? Tout simplement à cause des prix. Ils cherchent des bons plans mais finissent par renoncer. Quand je dis qu'ils cherchent, c'est d'abord les billets d'avion ou de bateau : les frais sont énormes. Quand on a une famille avec le père, la mère et les enfants, rien que les billets d'avion ou de bateau peuvent te coûter minimum 20.000 dirhams. Et ça, c'est juste le transport», déclare M. Kherrati. Il n'y a pas que le voyage, souligne le patron de la FMDC, «une fois au Maroc, tout est plus cher. Les locations de voitures ? Normalement, ça devrait être vers les 300 dirhams par jour. Eux, on leur demande 500, voire 1.000 dirhams la journée, juste parce qu'ils sont MRE. Pour les appartements, même chose, les prix flambent. Tout coûte plus cher dès qu'on sait que tu viens de l'étranger. Les MRE mettent plus d'argent, mais subissent aussi plus d'arnaques. Ils en ont assez. Cette année, beaucoup ont dit STOP, on ne vient plus». La désaffection n'est pas uniquement le fait des MRE, les touristes locaux aussi sont aux abonnés absents dans les stations balnéaires (en Tunisie les indicateurs des locaux sont nettement meilleurs). «Même son de cloche auprès des locaux. Beaucoup préfèrent aller passer leurs vacances en Espagne, au Portugal, en Turquie ou ailleurs. Là-bas, au moins, ils trouvent des prix raisonnables ou équivalents à ceux du Maroc, mais avec un service de qualité, sans se faire arnaquer au quotidien, sans stress et avec davantage d'espaces de jeux pour leurs enfants, en plus de la sécurité. Ils profitent d'une ambiance agréable, dans le respect, avec un service impeccable», ajoute M. Kherrati. Il a déclaré que le principal frein, la flambée des prix, n'est pas conjoncturelle mais bien structurelle. «C'est devenu une mentalité. Aujourd'hui, le commerçant ou le fournisseur de service marocain, dès qu'il voit qu'il peut vendre plus cher, il le fait sans se poser de questions. Avant 2020, il y avait la peur des commissions de contrôle. Mais depuis le Covid, cette peur a disparu. La loi 104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence existe depuis 2000, appliquée depuis 2002. Mais c'est seulement après 2020 que les professionnels l'ont réellement ressentie. Malheureusement, au lieu de laisser la concurrence jouer en faveur du consommateur, ils ont utilisé cette liberté comme un outil pour s'enrichir, profitant des périodes de crise pour gonfler les prix», dit-il. «Le fournisseur marocain [qui n'est autre que le Premier ministre Aziz Akhannouch, cherchez l'erreur] calcule sa marge bénéficiaire dès le départ. Et une fois qu'il l'a atteinte, il veut la stabiliser ou l'augmenter, mais jamais la diminuer. C'est le cas même dans les carburants : alors que les prix à l'international baissent, au Maroc, ils continuent d'augmenter. Deux augmentations successives ont été observées récemment, sans explication valable. Le carburant étant la base, tout le monde suit : le boulanger, le transporteur, le commerçant... Chacun trouve une justification pour augmenter ses prix, même si sa marge est déjà confortable», dénonce le responsable. Il s'en prend aux organismes étatiques : «Il n'y a plus aucun organe ou instance de contrôle. Avant 2010, il y avait une direction au sein du ministère du Commerce intérieur, qui s'occupait du contrôle, elle veillait à la régulation du marché, en plus de la direction de la répression des fraudes, qui dépendait du ministère de l'Agriculture. Ces deux instances ont disparu. Résultat : plus personne ne contrôle rien. La fraude est devenue une norme. Ce n'est pas uniquement les prix qui augmentent officiellement, c'est aussi ce qu'on appelle l''inflation cachée' : changer la composition d'un produit, diminuer sa quantité, tout en gardant le même prix et la même apparence». La FMDC n'a aucune prise sur ces réalités, elle se borne à alerter les autorités. «Nous, en tant que fédération de défense des consommateurs, on n'a pas le droit de contrôler. On est une association de la société civile. On ne peut qu'alerter, faire de la sensibilisation et remonter les informations aux autorités. Mais on ne peut pas constater officiellement ni sanctionner», dit amèrement M. Kherrati. De toute évidence le Maroc est face à une rupture qui pourrait s'installer dans la durée si rien n'est fait pour ramener les MRE à de meilleurs sentiments. La situation est d'autant plus préoccupante que la diaspora est l'une principales sources de devises pour le royaume. Il y a urgence…
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