Depuis sa construction entre 1970 et 1973 par l'architecte italien Raffaele Contigiani, l'Hôtel du Lac demeure un symbole audacieux de la modernité tunisienne, un monument unique du style brutaliste en Afrique du Nord, avec ses 10 étages, 416 chambres et sa silhouette en pyramide inversée reposant sur 190 pieux en béton armé enfoncés à 60 m de profondeur. Ce bâtiment, emblème architectural post-indépendance, incarne une rupture forte avec les styles traditionnels et coloniaux de Tunis. Un patrimoine architectural à préserver Plusieurs voix s'élèvent pour défendre la conservation de ce monument : * En juillet 2024, la Commission nationale du patrimoine et le ministère des Affaires culturelles ont inscrit sa préservation comme projet prioritaire, approuvant un programme de réhabilitation qui respecte la forme originale. * Des associations comme l'Association de Sauvegarde de la Médina de Tunis (ASM), des architectes et des élus, notamment l'architecte et députée Amel Meddeb, ont manifesté leur attachement à l'Hôtel du Lac, évoquant son rôle patrimonial et collectif. * Plusieurs experts soulignent que la démolition serait plus coûteuse que la rénovation, tout en entraînant un impact négatif structurel et écologique dans une zone centrale de Tunis. Pourquoi certains défendent la démolition En parallèle, d'autres considèrent que l'hôtel, laissé à l'abandon depuis plus de 25 ans, constitue un frein au développement urbain : * Pour certains acteurs du secteur touristique, cet édifice serait devenu une ruine inutile, symbole de stagnation, et sa démolition permettrait de libérer un emplacement stratégique pour un projet moderne et dynamique. * Le propriétaire actuel, la Libyan Arab Foreign Investment Company (LAFICO), a toutefois démenti tout projet de démolition imminente. Il affirme que les travaux en cours sont strictement intérieurs, destinés à remettre le bâtiment en état sans toucher à la structure extérieure. Mieux vaut conserver qu'effacer ? Au regard de sa valeur architecturale, de son symbolisme historique, et des préconisations officielles pour sa restauration, l'Hôtel du Lac représente davantage un patrimoine à sauvegarder qu'un obstacle à supprimer. Restaurer et revaloriser cet exemple rare de brutalisme tunisien offrirait non seulement une continuité mémorielle, mais aussi un potentiel tangible de reconversion touristique, culturelle ou patrimoniale. Préserver plutôt que démolir, c'est préserver la mémoire moderne de Tunis, tout en offrant au pays un projet à la fois ambitieux, responsable et respectueux de son identité. Mais au-delà des débats, c'est surtout le rôle des autorités publiques d'imposer la conservation du patrimoine national et d'empêcher que les logiques purement commerciales ne dictent systématiquement l'avenir urbain de la Tunisie. Comme le résume un architecte tunisien engagé dans la sauvegarde des bâtiments modernes : « Chaque fois qu'on rase un édifice comme l'Hôtel du Lac, c'est une page de notre histoire qui disparaît. Il est temps que l'Etat assume pleinement son rôle de gardien du patrimoine et ne cède pas face aux seules pressions économiques. » Commentaires Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!