Au Maroc, un mouvement spontané mené par des jeunes s'est déployé depuis le week-end des 27-28 septembre 2025 dans plusieurs grandes villes — dont Rabat, Casablanca, Marrakech, Agadir et Fès. Les rassemblements, coordonnés en grande partie via les réseaux sociaux (TikTok, Discord) par des collectifs informels comme « GenZ 212 », dénoncent la dégradation des services publics — en premier lieu la santé et l'éducation — et la priorité donnée aux grands chantiers sportifs (CAN 2025, Coupe du monde 2030) au détriment des besoins sociaux. Pourquoi maintenant ? L'indignation a été ravivée par une série de décès maternels à l'hôpital public Hassan-II d'Agadir (huit femmes décédées après des césariennes selon plusieurs sources hospitalières et médiatiques), perçue comme le symbole d'un système de santé en crise. Pour les manifestants, ce drame illustre le « pays à deux vitesses » : modernisation et investissements d'image d'un côté, urgences non résolues à l'hôpital et à l'école de l'autre. Les revendications portent sur le renforcement immédiat des hôpitaux et des établissements scolaires, la transparence dans l'allocation des budgets, la lutte contre la corruption, l'emploi et le pouvoir d'achat. Ampleur et « amplitude » du mouvement La mobilisation s'est étendue comme une traînée de poudre, des grandes artères de Rabat aux boulevards de Casablanca, des places de Marrakech aux esplanades de Fès et d'Agadir, jusqu'aux villes du Nord et de l'Oriental. En l'espace de quelques jours, les rassemblements ont essaimé dans au moins dix à onze localités, dessinant une carte nerveuse de la contestation juvénile. Chaque soirée a vu naître de petits foyers de protestation sur les places centrales, devant les gares, près des universités, parfois au pied des sièges administratifs. On y a entendu les mêmes slogans, les mêmes appels à de meilleurs hôpitaux et à une école publique digne, comme un fil conducteur qui relie entre elles des villes très différentes par leur taille et leur histoire. Au cœur de ce mouvement, la jeunesse a pris la parole. Les cortèges sont majoritairement composés de très jeunes manifestants, souvent des étudiants, des lycéens, des primo actifs et des diplômés en quête d'un premier emploi. Ils ne se réclament d'aucun parti et se méfient des étiquettes. Leur coordination s'invente en temps réel à travers des canaux numériques, où se décident l'heure et le lieu des rencontres, où circulent les consignes de non violence, où s'échangent les vidéos et les affiches improvisées. L'énergie vient des téléphones et des discussions en ligne, des salons de conversation qui remplacent les structures militantes traditionnelles, avec des figures anonymes qui émergent le temps d'un mot d'ordre avant de se fondre de nouveau dans la foule. La forme de la contestation épouse cette horizontalité. On s'assoit d'abord en cercle pour un sit in, on se lève ensuite pour une courte marche, on scande quelques slogans, on lève des pancartes peintes à la hâte, puis la dispersion s'opère dès que les fourgons de police resserrent l'étau autour des centres villes. Les rassemblements restent brefs et mobiles, pensés pour éviter l'engrenage de la confrontation prolongée. Les forces de l'ordre interviennent rapidement, encadrent les flux, repoussent les groupes vers les rues adjacentes, et la ville retrouve son rythme ordinaire tandis que, en ligne, la prochaine rencontre se prépare déjà. Ce va et vient entre la rue et l'écran, entre l'ellipse des cortèges et la persistance des messages, donne au mouvement un visage à la fois fluide et tenace, difficile à saisir, impossible à ignorer. Nombre d'arrestations Les chiffres varient selon les sources et les moments : * des « dizaines » d'interpellations annoncées le premier jour dans plusieurs villes ; * plus de 100 arrestations recensées à Rabat par des ONG de défense des droits humains au plus fort du week-end ; * au total, entre 120 et près de 200 personnes interpellées sur l'ensemble du pays, un certain nombre ayant été relâchées après vérification d'identité. Ces écarts s'expliquent par des décomptes effectués à des heures différentes et par la remise en liberté progressive de nombreux interpellés. Revendications mises en avant 1. Santé : plan d'urgence pour les hôpitaux publics (équipements, ressources humaines, accès aux soins). 2. Education : revalorisation de l'école publique (infrastructures, réduction du sur-effectif, soutien aux enseignants). 3. Budget et gouvernance : priorité aux services de base, transparence des dépenses liées aux grands événements, lutte anticorruption. 4. Socio-économique : emploi des jeunes, salaires, protection sociale. Situation actuelle La présence policière est restée visible dans les centres-villes et autour des esplanades institutionnelles, avec des regroupements rapidement dispersés. Des appels à de nouveaux rassemblements circulent encore en ligne, mais leur intensité dépendra des réponses gouvernementales (annonces sanitaires/éducatives, calendrier sportif) et de la capacité des collectifs à maintenir une mobilisation non violente et coordonnée. À ce stade, le mouvement est significatif par son extension géographique et sa génération porteuse, mais volatile : très réactif aux appels sur les réseaux, il peut s'amplifier comme retomber selon la réponse des autorités et les décisions sur les politiques publiques. A Suivre … Commentaires Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!