Washington – En plein « shutdown » fédéral aux Etats-Unis, le président Donald Trump a surpris mardi par une prise de position radicale : les fonctionnaires mis en chômage technique ne percevraient pas automatiquement les arriérés de salaires, défiant une pratique, voire une attente, jusqu'ici réputée acquise. Il a en parallèle brandi la menace de licenciements. Interrogé à la Maison Blanche, Trump a déclaré : « Je dirais que ça dépend vraiment de qui on parle », insistant sur l'idée que la garantie de paiement ne pourrait pas être uniforme pour tous. Il a rappelé sa ligne : « Pas de salaire sans travail. » Au total, ce sont plus de 700 000 fonctionnaires fédéraux qui sont actuellement en chômage partiel depuis près d'une semaine, suite à l'échec du Congrès à voter un nouveau budget à temps. L'ensemble des deux millions de fonctionnaires fédéraux – y compris ceux qui accomplissent des missions dites « essentielles » – ne sont pas payés durant cette paralysie budgétaire. Trump a néanmoins précisé : « Pour la plupart, nous allons prendre soin de nos gens », avant de lancer une menace implicite : « Il y a des gens qui ne méritent vraiment pas qu'on prenne soin d'eux, et on prendra soin d'eux d'une manière différente. » Depuis l'amorce du shutdown, le président a multiplié les allusions à des suppressions massives de postes si le blocage politique persistait. Une note de l'OMB qui relance le débat L'agence Axios a publié mardi une note émanant du Bureau du budget de la Maison Blanche (OMB) selon laquelle les fonctionnaires en chômage technique ne seraient pas en droit d'obtenir leurs arriérés de salaires une fois la paralysie budgétaire terminée. L'argument est le suivant : la loi de 2019, adoptée suite à un précédent shutdown pour garantir les paiements rétroactifs, ne s'appliquerait qu'à ce contexte précis, et non aux situations ultérieures. La note soutient que la loi de 2019, bien que votée pour imposer le rétro-paiement des salaires, ne constitue pas une disposition « auto-exécutoire » : pour que ces paiements soient versés, il faudrait une loi budgétaire explicite les autorisant. Réactions syndicales et politiques, divisions au sein du camp républicain Pour le principal syndicat fédéral, l'AFGE (American Federation of Government Employees), cette lecture est une « interprétation évidemment erronée de la loi ». Le syndicat a dénoncé l'initiative du gouvernement comme un argument « frivole ». Mieux encore : au sein même du camp conservateur, certains républicains rejettent cette posture. Le sénateur Ted Kennedy (républicain), allié proche de Trump, a estimé qu'« ça ne revient pas au président » de décider qui doit ou non être payé rétroactivement. D'autre part, les syndicats ont déjà entrepris des actions judiciaires pour contester les menaces de licenciement massifs. L'AFGE, notamment, a déposé une demande de mesures d'urgence afin de bloquer les intentions de réduction de l'effectif fédéral durant le shutdown. Un précédent législatif remis en question La loi dite Government Employee Fair Treatment Act (GEFTA) de 2019, signée par Trump lui-même, obligeait les administrations à payer rétroactivement les fonctionnaires affectés par une coupure budgétaire. Toutefois, l'OMB soutient désormais que cette loi n'offre pas une autorité de dépense automatique : le versement des arriérés, selon eux, doit être spécifié dans un texte d'appropriation budgétaire. Ce revirement interprétatif crée une forte incertitude juridique, et marque un affrontement entre l'exécutif et les principes jusque-là observés pendant les shutdowns précédents. Enjeux et perspectives Cette nouvelle stratégie pourrait être une manœuvre de pression sur le Congrès pour forcer la reprise budgétaire aux conditions souhaitées par l'exécutif. En refusant de garantir le paiement des salariés sans vote explicite, l'administration augmente l'enjeu humain du blocage politique. Mais l'option est risquée : si un tribunal venait à juger illégale la retenue des arriérés, cela déclencherait une crise institutionnelle. De plus, plusieurs voix au Congrès affirment que c'est au législatif – et non au président – de décider de telles questions. Pour les fonctionnaires, l'incertitude demeure totale : aucun paiement assuré tant que le shutdown n'aura pas pris fin et qu'un texte budgétaire n'aura pas été adopté. Commentaires Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!