Comme annoncé, la liste des ambassadeurs, Consuls Généraux et Consuls, désignés le Vendredi 28 Septembre 2012, a ajouté son lot d'opacité et d'incompréhension, voire d'ahurissement, sur certains points du moins, outre l'onde de choc que ces désignations ont fait propager dans les bureaux et couloirs du Ministère des Affaires Etrangères. Premier constat : Sur environ 30 postes octroyés, d'aucuns se demandent pourquoi aucune femme n'est nommée Ambassadeur. Seulement deux ont été désignées en qualité de Chargés d'Affaires et la troisième a échoué à un poste consulaire, par définition très difficile. Un cadeau empoisonné en quelque sorte. Ce qui révèle, si besoin est, une arrière-pensée de discrimination et de misogynie. Le constat est d'autant plus tangible que sur les 5 femmes Ambassadeurs que comptait la Tunisie, trois ont été rappelées, en Juin dernier, sans raison justifiant une telle décision, hormis les réflexes sexistes. Tout compte fait, et actuellement, sur plus de 60 postes diplomatiques, il y a seulement deux femmes ambassadeurs, situation insolite et non moins regrettable, inconnue, même sous la dictature déchue. Voilà un bien triste message d'un gouvernement issu de la révolution. Le paradoxe est saisissant. Pourtant, le Ministère des Affaires Etrangères regorge de femmes compétentes, disciplinées et remplissant les conditions pour assumer la fonction d'ambassadeur, mais la Troïka n'en a cure ! D'autres détails plus croustillants ont émaillé ces désignations, jugez-en : D'abord, il est à remarquer qu'outre son quota convenu de postes, la Troïka a désigné des diplomates exerçant certes au Ministère des Affaires Etrangères mais ayant de liens directs de parenté avec certains hauts responsables. Il ne s'agit pas là de mettre en doute leur compétence ou de suspecter de favoritisme leur désignation mais quand même ceci prête à équivoque et ouvre la porte aux interrogations pour le moins. En revanche, si la qualité professionnelle de ces personnes-là était établie, leur liens de parenté ne serait qu'anecdotique. Sinon, quiconque est en droit de contester de telles collusions. Ensuite, quelques noms trainent un passé très louche, exactement des affaires de mœurs. Ils ont été renvoyés de leurs anciens postes après avoir essuyé des procès et des poursuites judiciaires dans les pays d'accréditation (Espagne et Suisse). La presse tunisienne et étrangère en a fait de larges échos. Malgré ces lourdes charges, ils viennent quand même d'être bombardés Chefs de poste diplomatique et invités à représenter désormais la Tunisie de la révolution. Que voulez vous, quand quelqu'un dispose d'un ponte à la présidence de la république ou du gouvernement, il peut se refaire une virginité et effacer d'un trait sa crasseuse ardoise. Parmi les noms récompensés, on trouve toute sorte de personnes douteuses, malpropres, ayant les mains coincées dans les engrenages de Ben Ali ou le RCD, servant au doigt l'un et l'autre et bénéficiant, en retour de leurs largesses. Aujourd'hui recyclées et blanchies à la mousse lessiveuse de la Troïka, promises à l'honneur de représenter la Tunisie et la révolution. Et ce, au détriment d'autres noms certes moins clinquants mais certainement plus méritants. Que voulez vous, 14 Janvier ou pas, avant et après, certains noms qui ont profité durant la dictature continuent à en profiter à fond. Encore, le gouvernement de la Troïka, dès sa prise de fonction, a immédiatement décidé de rappeler les ambassadeurs désignés en Avril 2011, pour cause de retraite. Bis repétita, la Troïka, se désavouant complètement elle-même et sans aucun esprit de conséquence, vient de nommer quelques ambassadeurs qui sont à la veille de la retraite. Donc, le prochain gouvernement sera en droit de les rappeler, l'année prochaine, pour la même raison, à savoir la retraite. Ainsi, certains postes auront connu, sur trois ans, trois ambassadeurs différents, ce qui n'est pas crédible par rapport aux pays d'accréditations, sans compter les surcoûts en termes financiers à ponctionner sur le budget de l'Etat. La Troïka l'a démontré à diverses reprises : Elle ne manque pas de toujours faire ce qu'elle n'a cessé de vilipender ! Enfin, il a été convenu qu'aucun diplomate, ayant une année d'ancienneté par rapport à son dernier poste, ne sera intégré à la liste des sortants. Surprise de taille : quelques noms ont été désignés sans satisfaire à ce critère. On a toujours dit et répété que Moncef Marzouki a fait un point d'honneur de ne pas donner les lettres de créances à tout diplomate ayant reçu auparavant les mêmes documents de la part de Ben Ali. Une autre obscure surprise : Au moins trois sont dans ce cas, au vu des présentes désignations. Ceux-ci ont reçu leurs lettres de créance de la part de Ben Ali et les recevront certainement de la main de Moncef Marzouki, en dépit de toutes les résolutions annoncées par ce dernier à ce sujet. Encore, le syndicat de base du Ministère des Affaires Etrangères a convenu avec le ministre (ça été déclaré à la presse à diverses reprises) d'une ligne rouge concernant les postes consulaires. D'un commun accord, ces postes devraient revenir aux diplomates, à l'exclusion de toute proposition de la Troïka. Là également le consensus a été rompu dans ce sens que le Consulat Général de Tunisie à Paris a été accordé à un homme d'Ennahdha. Il n'est pas exclu que le syndicat réagisse à ces différentes entorses et manquements aux arrangements scellés. En résumé, la Troïka a transgressé nombre de critères d'affectation et franchi sans vergogne des lignes rouges pourtant bien définies et bien convenues, juste pour placer le maximum d'affidés hors quota, et usé et abusé de motivations partisanes à cette fin. Il semble que les enfants du peuple dont foisonne le Ministère des Affaires Etrangères n'ont ni le même Dieu ni la même patrie. Ceci dit, cela ne veut aucunement dire que la liste en question n'est composée que de parvenus ou de caciques de la Troïka, loin s'en faut. Il y a de nombreux diplomates compétents qui ont amplement mérité leurs postes et qui, certainement, feront honneur à leur fonction, leur corps et , en particulier, à leur pays. Nul doute que Tunisie Numérique n'a pas la moindre intention de faire ou défaire l'itinéraire de celui-ci ou celui-là, ni de plaire ou déplaire, l'objectif étant de rendre public des éléments factuels dont tout le monde au Ministère des Affaires Etrangères connait les détails. Donc, il ne s'agit que de rapporter ce qu'une population restreinte sait et d'élargir ainsi la base des informés, sans griefs personnels ni volonté de nuisance. Que ceux qui trainent des casseroles assument leurs actes, c'est la moindre des responsabilités ! En plus, juste pour la précision, ce n'est que par charité que Tunisie Numérique n'a cité aucun nom, outre le souci d'anticiper sur toute velléité de contre-attaque. Après tout ça, qu'on ne vienne pas nous parler de gouvernement de révolution, de lutte contre la corruption, la collusion familiale ou régionale, le clientélisme et la prépotence partisane!