Le temps n'est pas au beau fixe entre la France et le Qatar. On parle même de tensions qui s'aggravent entre les deux pays, avec des accusations que la mini monarchie du golfe est en train de financer et d'armer des séparatistes et des militants islamistes liés à al-Qaïda au Mali et, plus généralement, de propager l'intégrisme islamique en Afrique. La France qui a étroitement collaboré avec le Qatar pour évincer Mouammar Kadhafi en Libye, et qui est actuellement en train de coopérer avec Doha ainsi qu'avec Riyadh et Ankara pour mener une guerre sectaire dans le but de renverser le président syrien Bachar al-Assad et d'isoler l'Iran, est embêtée de subir un retour de flamme qui contrecarre ses intérêts géostratégiques et commerciaux au Mali et en Tunisie. Le premier ministre qatari Cheikh Hamad ben Jassim al-Thani s'est opposé à l'intervention française au Mali, préconisant plutôt le dialogue. Le premier secrétaire du Parti Socialiste (PS) au pouvoir en France, Harlem Désir, a dénoncé l'indulgence du Qatar envers les « groupes terroristes qui occupent le Nord Mali. » Ses remarques ont été suivies par la visite du ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian à Doha pour discuter du Mali avec al Thani. Pour sa part, la presse française a accusé le Qatar de souhaiter voir le Nord Mali faire sécession tout comme elle avait soutenu la sécession du Soudan Sud par rapport au Soudan. Ceci permettrait au Qatar de tisser ses liens avec la nouvelle nation – qui est supposée être riche en pétrole et en gaz – et d'étendre ainsi son influence en direction de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique sub-saharienne. Certaines sources du renseignement militaire français affirment que le Qatar apportait, par le biais de la société du Croissant Rouge entre autres, un soutien financier à divers groupes armés au Nord mali : les insurgés touaregs du Mouvement national de la libération de l'Azawad (MNLA), l'Ansar-Dine, l'organisation al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et son groupe dissident, le Mouvement pour l'unicité et le Jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO). Ils ont même suggéré que des forces spéciales qataries étaient entrées au Nord Mali pour former des recrues d'Ansar El Dine, qui fait partie d'Al-Qaïda. La France en veut aussi au Qatar d'avoir poursuivi une stratégie identique en Libye. En Tunisie et en Egypte, et d'avoir financé en 2011 et en 212 les partis politiques des Frères Musulmans en tant que partie intégrante de sa stratégie plus générale de porter au pouvoir des gouvernements islamistes basés sur les Sunnites, dans le but d'écraser l'opposition au sein de la classe ouvrière arabe, de cibler le régime chiite en Iran et de renforcer sa propre position contre l'Arabie saoudite. Le gouvernement tunisien conduit par Ennahdha est à présent furieux contre la campagne menée par Paris pour le discréditer en voulant réaliser soit un virement en direction des partis d'opposition soit en formant un gouvernement d'union nationale. C'est que la France a été irritée par le refus de la Tunisie de soutenir officiellement l'intervention française au Mali ou d'autoriser les avions militaires français de survoler son espace aérien. Les tensions se sont encore accrues après qu'on a appris que les terroristes qui avaient perpétré l'attaque contre le site gazier d'Ain Amines dans le Sud de l'Algérie, apparemment en représailles à la guerre française au Mali, étaient venus via la Tunisie. L'assassinat au début du mois de février de Chokri Belaïd, a fini de jeter l'huile sur le feu. Le ministre français de l'Intérieur, Manuel Valls, a dénoncé le meurtre comme étant une attaque contre « les valeurs de la révolution du Jasmin » en Tunisie et a déclaré « Il y a un fascisme islamique qui monte un peu partout et cet obscurantisme... doit être évidemment condamné... puisqu'on nie cet état de droit, cette démocratie pour lesquels les peuples libyens, tunisiens, égyptiens se sont battus ». Valls a aussi réclamé que la France soutienne les partis d'opposition de gauche pour stabiliser la Tunisie et pour contrôler l'opposition de la classe ouvrière. Ces remarques ont suscité une manifestation des partisans d'Ennahdha, qui ont scandé des slogans et anti français, Or ces manifestants étaient loin de savoir que ce faisant, ils prenaient la défense du Qatar qui était, en réalité, en point de mire des critiques françaises. La Tunisie se retrouve, ainsi, en compagnie d'autres nations, prise dans le flux et le reflux des relations franco-qataries qui s'étaient tissées à l'époque du président Sarkosy qui avait cherché à renforcer la position économique déclinante de la France en courtisant l'émir du Qatar, en lui vendant 80 Airbus pour sa compagnie aérienne Qatar Airways, en lui livrant jusqu'à 80 pour cent de ses armes et en encourageant le Fonds souverain du Qatar à acquérir à hauteur de 70 milliards de dollars US d'actifs français. Cette époque a été marquée par une trop grande indulgence de la France envers les projets expansionnistes de l'Emirat, au détriment des pays traditionnellement amis et alliés. Ensuite, ces relations se sont détériorées à l'occasion de la découverte par la France, des trop grandes ambitions du Qatar aussi bien sur le sol français que sur celui du territoire africain faisant partie des ambitions géostratégiques de l'hexagone.