Habib Sayah, juriste tunisien et directeur de l'Institut Kheireddine, pour la promotion des libertés individuelles en Tunisie, a confié au micro de RFI, qu'il appréhendait qu'Ansar al-Charia, le principal mouvement jihadiste adoubé par al-Qaïda aient pour but final, en Tunisie, de substituer la République par un Khalifat. Il se dit d'accord avec le général Carter Ham chef d'Africom concernant l'intention d'Al Qaïda de s'implanter en Tunisie. Il rappelle que le groupe Ansar Acharia a reçu la bénédiction d'Ayman al-Zawahiri, le N° 1 d'Al Qaïda, l'année dernière, d'où, il y a un vrai risque terroriste en Tunisie. « Je ne pense pas que dans les mois qui viennent, Ansar al-Charia risque véritablement de prendre les armes pour conquérir le pouvoir en Tunisie. Mais je parle d'une situation pré-insurrectionnelle, dans le sens où Ansar al-Charia refuse la logique démocratique, ne reconnaît aucune légitimité à la République, et croit, parallèlement, en un projet de société, le khalifat, et veut le mettre en place », a-t-il expliqué. Entre-temps, il pense que ce groupe est en phase pré-insurrectionnelle qui se caractérise par une logique de concurrence à l'égard de l'Etat. « Ansar al-Charia s'est d'abord fait remarquer par des actions violentes, en attaquant des cinémas, des artistes, des personnalités laïques. Mais par la suite, juste après l'attaque de l'ambassade des Etats-Unis orchestrée par le leader d'Ansar al-Charia, Abou Iyad, cette organisation a versé dans les actions sociales... Il s'agit de démontrer que les jihadistes en Tunisie sont en mesure de se substituer à l'Etat, si jamais la République venait à être abolie et remplacée par un khalifat ». Ils se sont même manifestés suite à l'assassinat de Chokri Belaïd, et dans le chaos crée par sa mort, en comités de sécurité qui « prétendaient remplacer la police absente et assurer la protection des commerçants, des biens ». Et c'était, selon Habib Sayah, une autre étape dans cette stratégie pré-insurrectionnelle, qui vise à concurrencer l'Etat dans ses fonctions. Le mouvement Ennahdha ne pourra jamais remplir une fonction de rempart contre les jihadistes, dans la mesure où les modérés du parti ont la volonté de prendre leur place dans cette nouvelle Tunisie en transition démocratique. Mais l'aile la plus dure du mouvement comprend de nombreux alliés d'Ansar al-Charia. Et donc, attaquer Ansar al-Charia pour le gouvernement tunisien reviendrait en quelque sorte, à exciter les divisions qui traversent le parti Ennahda. Il y a, par ailleurs, une certaine faiblesse de l'appareil étatique, qui a conduit Larayedh, alors ministre de l'Intérieur, à renoncer à poursuivre Ansar al-Charia, suite à l'attaque de l'ambassade des Etats-Unis suite aux menaces qu'il avait reçues à ce moment-là, de la part des partisans d'Abou Iyad. D'un autre côté, la position de Rached Ghannouchi est ambiguë. Il continue à affirmer son adhésion aux valeurs de la démocratie. Mais il a exercé des pressions sur le gouvernement de Jebali, en vue de freiner la démocratisation du pays, de maintenir la mainmise d'Ennahda sur l'administration, et protéger notamment cette mouvance salafiste violente qu'il a dit considérer comme ses enfants.