Vaste coup de filet dans les rangs de la mouvance salafiste djihadiste. Après l'arrestation de 96 salafistes présumés ayant participé aux violentes protestations devant l'ambassade des Etats-Unis à Tunis le 14 septembre, le ministère de l'Intérieur semble désormais cibler les têtes pensantes du courant salafiste djihadiste qui serait, selon les premiers éléments de l'enquête, les principaux instigateurs des violences ayant fait quatre morts et plusieurs dizaines de blessés. C'est, du moins, ce que laisse croire l'arrestation de Hassen Brik, le responsable de la prédication du Mouvement salafiste djihadiste Ansar Al-Chariâa, dimanche soir, à sa sortie de la mosquée à la Cité El-Khadhra.
Le bras droit du chef de l'organisation Ansar-Al Chariâa, Seif Allah Ben Hassine, alias Abou Iyadh, lui aussi recherché par la police, a été arrêté alors qu'il était à bord de sa voiture après la prière d'Al-Icha. «7 ou 8 autres personnes ont été arrêtées au niveau de la caserne des unités d'intervention de la Cité El-Khadhra», a déclaré dimanche soir sur Shems FM un membre d'Ansar Al-Chariaâ. Ce dernier a également fait savoir que « la police a fait croire à Hassen Brik qu'il était question d'un simple contrôle d'identité de routine», avant de l'écrouer. «Ces arrestations ont eu lieu sans un mandat d'arrêt émis par le procureur comme ce fut le cas sous le règne de Ben Ali», a-t-il déploré.
Le 21 septembre, Hassen Brik a été invité dans l'émission «Hadith Tounes» sur les ondes de Shems FM. Pendant au moins deux heures, il a été retenu dans les studios de la radio alors que les agents de police encerclaient le siège. Ces derniers ont fini par abandonner la partie après l'intervention de cinq avocats ayant plaidé la liberté de leur client tant qu'il n'y a pas de mandat d'arrêt contre lui.
Le ministère de l'Intérieur a confirmé, hier, l'arrestation du dirigeant salafiste, tout en précisant qu'elle se situe dans le cadre de l'enquête sur l'attaque de l'ambassade américaine le 14 septembre. «Hassen Brik, objet d'une recherche policière, a été arrêté dimanche dans le cadre de l'enquête le visant», a déclaré le porte-parole du ministère de l'Intérieur Khaled Tarrouche.
Abou Iyadh toujours en cavale...
Depuis l'assaut contre l'ambassade américaine, la police est à la recherche de dirigeants djihadistes, dont leur chef Abou Iyadh. Ce dernier a déjà échappé plusieurs fois à la police. Dans la soirée du 14 septembre, il avait déjà réussi à s'échapper, peu avant l'arrivée des policiers à son domicile. Trois jours plus tard, il a été exfiltré par une foule compacte de partisans qui ont quitté soudainement la mosquée Al-Fath où il a prononcé un prêche. Les forces de sécurité, déployées en grand nombre, sont restées à distance de la mosquée. Elles se s'étaient finalement retirées, appelant les fidèles qui se trouvaient dans la mosquée pour la prière de la mi-journée à quitter les lieux sans crainte. Khaled Tarrouche, le porte-parole du ministère de l'Intérieur, a précisé qu'il s'agissait d'un «repli tactique», sans plus de précision.
Dans son prêche, le leader salafiste a évoqué des tentatives d'instrumentalisation des salafistes à des fins politiques. «Nous ne te permettrons pas (Ali Laârayedh, NDLR) de pousser les jeunes salafistes à commettre des actes violents qui constitueront un alibi pour reporter les élections. Nous ne permettrons pas à certaines parties de résoudre le problème de la légitimité qui se pose pour l'après 23 octobre sur le dos des salafistes », a notamment martelé Abou Iyadh.
Le chef d'Ansar Al-Chariâa a , d'autre part, a demandé au ministre de l'Intérieur, Ali Laârayedh, de présenter sa démission vu l'échec flagrant à l'instauration de la sécurité arguant que le viol de la jeune fille à Aïn Zaghouan ne peut qu'exprimer cet échec.
Quant à la descente à son domicile, Abou Iyadh a précisé que les unités n'avaient ni ordre du procureur de la République ni convocation du ministère de l'Intérieur. Il a également indiqué que les agents ont agressé sa famille mais n'a pas voulu mettre au courant ses alliées pour éviter les dérives.
Le gouvernement tunisien dominé par le parti Ennahda a été accusé pendant des mois par ses détracteurs de complaisance à l'égard de la mouvance jihadiste.
Après l'attaque de l'ambassade américaine, plusieurs responsables ont promis de sévir contre ces groupuscules. «Ces gens-là représentent un danger non seulement pour Ennahda mais pour les libertés publiques dans le pays et pour sa sécurité», a ainsi déclaré le chef du parti islamiste au pouvoir Tunisie Rached Ghannouchi, estimant toutefois que le temps des campagnes sécuritaires est révolu.