Dialogue National : le nouveau Chef du Gouvernement entre la logique partisane et la guerre de leadership Rached Ghannouchi l'a proféré « Ennahdha quitte le gouvernement mais pas le pouvoir« . La sentence est passée inaperçue. Aujourd'hui on en comprend mieux le sens. Ce n'est pas une phrase parachutée, c'est une stratégie. Ennahdha ne consent débloquer le Dialogue National qu'avec l'assurance de pouvoir gouverner derrière les rideaux, dans l'antichambre du pouvoir. Le profil de son candidat au poste de chef de gouvernement, Ahmed Mestiri, procède de cette logique. Malgré tout le respect qu'on avoue à ce dernier, à son passé militant, il n'en reste pas moins un personnage qu'Ennahdha pense pouvoir instrumentaliser et en mesure de l'aider à boucler son mandat gouvernemental d'une manière honorable, et sans dégâts ultérieurs, qu'ils soient d'ordre politique, social ou judiciaire. En effet, Ennahdha cherche des garanties d'impunité, met toute sa force et tout son poids pour dégager sinon imposer un tel compromis et choisit son poulain en fonction de cet objectif. L'intérêt national pourrait souffrir une telle manœuvre. A ce stade, il n'en est pas la priorité, l'enjeu étant de négocier une sortie sans préjudice et sans retour de manivelle, quitte à prendre tout le pays en otage, à rançonner le Dialogue National et à sacrifier son candidat, Ahmed Mestiri, sur l'autel de ses visées. Les indiscrétions médiatiques, selon lesquelles Ennahdha serait disposé à lâcher Ahmed Mestiri en contre partie de sa main basse sur les ministères de souveraineté, montrent, si besoin est, que l'idée de se prémunir et de se sécuriser est sa motivation première. Dans cette quête, et comme chaque fois Ennahdha est dans une mauvaise passe politique, Ahmed Néjib Chebbi vole à son secours et lui prête main forte. Il n'a éprouvé aucune scrupule de se désolidariser avec son camp naturel, le Front du Salut, pour fragiliser ce dernier et renforcer les rangs du bloc adverse, soit la Troïka, particulièrement Ennahdha. A s'en demander pourquoi ?! D'aucuns estiment que, dans cette compétition à la présidence du gouvernement, c'est Ahmed Néjib Chebbi qui a remis en course Ahmed Mestiri. Avant sa déclaration justifiant la candidature de ce dernier, Ennahdha ne s'était guère prononcé aussi ouvertement en faveur d'un candidat en particulier. L'aubaine d'Ahmed Néjib Chebbi n'était pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Comme toujours, mu par des muets alibis d'ego et des rivalités secrètes de leadership, tout est objet de tractation, de complicité, d'indiscipline et de retournement pour Ahmed Néjib Chebbi. Se serait-il senti, au sein du Front du Salut, étouffé par Beji Caid Essebsi et Hamma Hammami pour puiser dans la volteface une posture apaisante ?! La question mérite d'être posée !! D'ailleurs quelles réserves peuvent nourrir la Troïka et même Ahmed Néjib Chebbi contre le nom de Mohamed Ennaceur ?! A priori rien de bien significatif, du moins personne n'en a rien dit. Ce qui prouve encore une fois que l'enjeu est ailleurs et que le fait de présenter Ahmed Mestiri comme candidature non négociable traduit une logique strictement partisane, qui n'a rien à voir avec l'intérêt national. Il est quand même tout aussi paradoxal qu'effarant qu'aucune personnalité tunisienne ne soit capable de faire l'objet d'un consensus entre les parties prenantes au Dialogue National. C'est une insulte à l'intelligence et à la compétence du peuple tunisien.