Chaque jour BCE tire une balle dans le pied et dans le flanc de sa formation politique et montre, si besoin est, que la démocratie n'est pour lui qu'un slogan de campagne et non un état d'esprit, une culture enracinée ou une pratique sacrée et consacrée. Les sulfureux exemples sont malheureusement légions. Voilà un parti, au début fondateur et fédérateur, qui a pu créer un espoir, une perspective et une alternative qui semble aujourd'hui au bord de l'implosion à cause notamment de sa centralisation excessive et le manque de transparence et de démocratie dans son modèle de gouvernance. Depuis quelque temps, sur fond de rivalité, de course au leadership, sans compter la guerre des egos, Nida Tounes se donne en spectacle, exposant au grand jour et avec grand bruit ses conflits, ses règlements de compte et non sa quête de serrer les rangs et de se renforcer. Parti de rien, surfant au sommet des intentions de vote un long moment, Nida Tounes semble foncer tout droit vers le néant. Le retour aux sources, diraient ses détracteurs. Depuis quelque temps, moment coïncidant comme par hasard avec l'engouement électoral, les démissions et les séditions battent leur plein. L'affrontement fratricide sur les têtes de liste a fini par enlever la dernière feuille de vigne et montrer BCE et Nida dans leur intégrale nudité. Le grand gourou a voulu imposer son fils comme tête de liste de Tunis I, un mouvement de contestation, au sein et en dehors du parti, en réaction, a exprimé son refus, la fronde est organisée. Au lieu d'écouter, BCE a préféré sévir, au lieu de réexaminer la situation, il a brandi son sabre. Même les grandes figures n'ont guère échappé pas au retour de manivelle du patriarche, Faouzi Elloumi, président de la commission des élections de Nida Tounes, l'a appris à ses dépens. Abdelaziz Mzoughi et Tahar Ben Hassine, pour ne citer que les plus illustres, étaient passés à la même trappe. Faouzi Elloumi a eu le « culot » de reconnaitre que la désignation de Hafedh Caid Essebsi, rejeton du guide spirituel, à la tête de liste de Tunis I est une décision unilatérale bombardée par son père, confirmant que ce choix ne fait l'objet d'aucun consensus au sein du parti, les membres étant persuadés que le fils ne fait pas le poids et risque de faire perdre au parti une grande circonscription, fort symbolique et très courtisée . Qu'à cela ne tienne! BCE a vite gelé les activités de la « brebis galeuse », sans obtenir au préalable le consensus de l'instance constitutive de son parti, et ce jusqu'à sa comparution de « l'égaré » devant la commission de discipline du parti pour examiner le cas et en décider. En réaction, Faouzi Elloumi a démissionné de la commission qu'il présidait. BCE est maintenant dans de jolis draps. Qu'est ce qu'il va nous sortir? Pour mémoire, ne pas oublier que le même Faouzi Elloumi s'était déjà distingué par son indiscipline partisane et son incapacité de manier la langue de bois, s'étant fendu, en Mars 2014, d'une déclaration, ayant mis BCE hors de lui et causé un petit séisme au sein de Nida Tounes, selon laquelle le parti représente le RCD et les destouriens. Déjà le bonhomme était dans l'œil de cyclone. Se frotter aujourd'hui au « prince héritier » n'est pas du goût du monarque, qui, tout le monde le sait, a la rancune tenace et une mémoire d'éléphant. Pour un mammouth, ça coule de source! Si on examine les diverses crises internes qu'a subies Nida Tounes ces derniers temps, et à moins d'être myope ou de mauvaise fois, il y a un seul point commun, à savoir l'absence de pratique démocratique et l'attitude par trop patriarcale pour ne pas dire dictatorial de BCE. Les derniers développements, lourds de rebondissements, suggèrent que la guerre des ailes n'est plus interne, escamotée, ou maitrisée mais externe et sur la voie publique. Ce qui laisse craindre l'éclatement à terme de Nida Tounes si les leaders poursuivent leur fuite en avant. Sur un autre plan, d'aucuns estiment que BCE adore tellement Bourguiba qu'il imite son fin règne, ses dérives et ses coups tordus. Si Nida Tounes perd les élections, BCE ce sera certainement le principal responsable, voire le premier coupable. BCE a fait de quelques pierres éparses une solide bâtisse, un joyau. Avec son entêtement et sa gestion despotique, il déconstruira certainement le bijou pour n'en faire qu'un monceau de pierres éparses. Grandeur et décadence d'un homme qui était rassembleur, qui a su faire de son parti le point de ralliement, mais qui devient actuellement un boulet pour son parti et, par extension, pour tout le front démocratique tunisien. BCE a fait trop le cavalier seul au sein de son parti comme au sein de l'Union Pour la Tunisie pour ne pas discréditer le mouvement démocratique et ne pas fissurer l'électorat démocratique. Il a beau être un vieux « animal » politique, il a beau écrémer les sondages d'opinions, il a beau manipuler le paysage politique, BCE n'en reste pas moins un homme politique qui a paradoxalement manqué de maturité, de discernement et de lucidité. Bonjour les dégâts. Un hara-kiri en l'air!